Kayo Dot
Inclassable

Plastic House On Base Of Sky
01. Amalia's Theme
02. All The Pain In All The Wide World
03. Magnetism
04. Rings Of Earth
05. Brittle Urchin
Chronique
Les Américains de Kayo Dot sont de retour sur Terre en cette année 2016. De retour de Io et ses sonorités 80's, l'ex-Maudlin Of The Well et sa bande poursuivent le trip astral entamé il y a deux ans .
A l'instar du dernier méfait, Plastic House On Base Of Sky n'est pas une démonstration de technicité et de virtuosité des musiciens malgré la vingtaine créditée sur l'album. Contrairement à des Hubardo ou Choirs Of The Eye plus progressifs et alambiqués en termes de structures, ici on se focalise sur Toby Driver, sa voix perdue au milieu des claviers et guitares et les émotions qu'elle nous renvoie. Le ton mélancolique, rêveur (Rings Of Earth), le chanteur erre parmi les sonorités New Wave, Synthwave, Krautrock de ses comparses avec toujours autant d'habileté pour créer ces atmosphères si particulières. Secondé par une armada d'instruments allant des violons au mellotron, le leader et compositeur nous embarque pour cinq pistes oscillant entre l'organique et l'analogique, unis par une même aura tant sombre qu'onirique. Driver reste d'ailleurs fidèle sur l'ensemble du disque aux élans intimistes qu'on lui connaît bien, évoluant dans des cadres minimalistes où la musique et les mots posés dessus bâtissent une sorte de cocon enveloppant, tapissé de mélodies aussi douces qu'étranges. L'homogénéité instrumentale de Plastic House On Base Of Sky ne fera que renforcer cette impression, poussant à l'introspection, baigné par ce discret kaléidoscope de textures et de couleurs sonores.
Les premières notes de Amalia's Theme ne nous tromperons d'ailleurs pas sur ce qui nous attend : de cette ouverture fantomatique découleront 38 minutes de voyage sonore en terres expérimentales. All The Pain In All The Wide World et ses dix minutes se montre contemplatif dans sa première moitié avant de céder à davantage de désordre et de déconstruction musicale, à rapprocher des tendances Jazz de la formation, avec pour fil rouge les vocalises de Driver. On retrouvera cette même tendance avec un Magnetism qui laisse au batteur le moyen de s'exprimer comme il l'entend, et de fait de s'adonner à des schémas assez complexe où la cassure rythmique est monnaie courante. En dépit de charmes certains, ces pistes manquent malgré tout de personnalité et auraient tendance à se confondre l'une l'autre, alors que suivent ensuite deux morceaux plus singuliers achevant l'album et méritant davantage l'attention. Rings Of Earth d'abord, pour sa voix sensible et haut perchée, placée sur une instru côtoyant presque l'Electro actuel qui dynamise l'ensemble après quelques minutes de torpeur. Mais aussi la superbe conclusion Brittle Urchin, malheureusement bien trop courte, où une ambiance grave s'installe à l'aide de basses constantes et de percussions tribales, conférant une saveur hautement cinématographique à cet ultime morceau.
Et Kayo Dot n'a de cesse de nous inviter à fermer les yeux et à nous laisser bercer par notre imagination, aussi folle soit-elle. Les univers sont nombreux et l'on pourrait aussi bien penser à un décollage vers l'espace sur All The Pain In All The Wide World ou à une chevauchée rétro-futuriste dans un désert de pixels sur Brittle Urchin. Libre à l'auditeur de peindre ses propres tableaux.
Résolument hors du temps et des courants, Kayo Dot puise dans ses racines multiples et dépasse le simple old school worship pour forger une nouvelle facette de sa personnalité. Les amateurs du précédent opus retrouveront les ambiances qui les ont charmés sur Coffins On Io, développées ici de manière plus dense et déroutante encore. Malgré quelques moments de creux et certains titres au potentiel peut-être sous exploité, Plastic House On Base Of Sky ne fera pas tache dans la discographie des alchimistes de Kayo Dot qui ne cessent au fil des années de s'approprier toutes les matières sonores qui leur passent entre les mains.