Kayo Dot
Inclassable

Coffins On Io
Chronique
Kayo Dot fait partie intégrante de ces groupes dont ne sait jamais à quoi s’attendre, album après album. Après Gamma Knife en 2012, séduisant, mais peu enclin à dépasser le stade des préliminaires, on pensait la formation de Toby Driver définitivement revenue au cœur même de ses racines avec Hubardo, en 2013, qui remettait au premier plan une violence mise au placard après leur second album. Troisième album en trois ans, Coffins On Io poursuit-il le chemin tortueux du retour aux sources préalablement tracé les deux derniers albums ? Manquerait plus que ça !
Kayo Dot se joue de l’espace temps. Créant du neuf avec du vieux, Coffins On Io est comme découvrir une photographie poussiéreuse dans un grenier parental vétuste qui changera le cours de votre vie présente, ainsi que son futur à venir. Kayo Dot interpelle, provoque par une production joueuse, écartelant l’ouïe entre un air de déjà vu et un territoire vierge de tout souvenir. Dès le premier titre, The Mortality of Doves, le ton est donné. A milles lieues des élucubrations de maudlin of the Well, l’on se retrouve plongé dans un univers que David Lynch ne renierait pas. Voix aigue, beat et claviers directement sortis des années 80, la machine à rêves se met en route de la plus belle des manières. Le groupe n’en oublie pas pour autant d’aiguiser son efficacité. Plusieurs passages particulièrement groovy jalonnent l’album, la fin d’Offramp Cycle, Pattern 22 ou encore celle de Library Subterranean sont des exemples parlant. Le premier vient cueillir l’auditeur par son beat velouté d’une nonchalance et d’une chaleureuse rondeur. Le second, après un démarrage particulièrement catchy, déverse ensuite sa furie sur un autre beat incroyablement répétitif qui ne peut que vous coller à la peau. L’envie de se repasser inlassablement ce passage est indomptable. Rythmiques alambiquées féroces, batterie déchainée, jusqu’à ce que le saxophone furieux de Toby Driver vienne déstructurer encore un peu plus un morceau qui se termine à des années lumières de ses premières notes. Une des meilleures pistes du Kayo Dot nouveau, à n’en pas douter.
Rock Progressif ? Darkwave ? Gothique ? Avant-Garde ? New Wave ? Tout cela à la fois. Tellement de choses se déroulent parfois au même moment qu’il n’est pas anodin d’appuyer sur le bouton « stop » pour vérifier que seul cet album tourne. Coffins On Io se caractérise autant par son imprévisibilité que par son aspect insaisissable. Tel une anguille se jouant avec malice des fils tendus, Kayo Dot disparaît et réapparait là où on l’attend le moins. Le changement est d’autant plus drastique lorsque l’on suit attentivement l’évolution du groupe formé à Boston. Hubardo, sorti en 2013, posait les jalons d’un retour aux sources réussi. Un an plus tard, Coffins On Io brille par sa différence. Déstabilisant à l’extrême, à l’image de ce chant si surprenant qu’il en devient décadent, origine d’un désordre incontrôlé, frôlant la lassitude, toujours à la frontière de deux océans agités dont on ne saurait prévoir les entrechocs. Bien loin des grognements rageurs de l’album précédent, Toby Diver délivre ici un chant typé New Wave avec une touche gothique indéniable. Son fausset sur Spirit Photography est d’ailleurs tout bonnement bluffant.
Notons également le mix de l’album qui, s’il confère une imagerie séduisante à la musique, pourra en rebuter certain par sa faiblesse.
Coffins On Io est un développement du côté mélodique de Kayo Dot. L’écoute au casque en est d’ailleurs vivement conseillée tant l’album recèle, refoule, regorge d’effets, d’accroches, de détails, bref de classe. La prise de risque est indéniable et l’on ne peut que saluer la démarche d’un groupe décidément pas comme les autres. Oubliez vos prérequis et laissez vous porter par la sensibilité sinueuse de ce très bon album.
Je suis tombé amoureux en écoutant le titre Library subbeteranean, ça ma tout de suite fait penser à Cowboy Bebop, le tripe inter-satellitaire et surtout ce Bebop surplombé de réverbération comme pour mieux évoquer l'infini qui sépare cette route à IO tout chaque astre l'est par rapport à un autre dans ce vivier d'inspiration stellaire.
résultat, un truc bien peaufiné et singulier, compacte et homogène dans l'ensemble, on prend plaisir à retourner sur un titre ici et là, Kayo Dot est définitivement un groupe sans genre mais qui est capable de jouer avec toutes les cartes que la musique est capable d'offrir, Coffins on Io semble en être un témoin de qualité.