Katatonia
Doom Death / Rock Atmosphérique

Sky Void Of Stars
01. Austerity
02. Colossal Shade
03. Opaline
04. Birds
05. Drab Moon
06. Author
07. Impermanence
08. Sclera
09. Atrium
10. No Beacon To Illuminate Our Fall
Chronique
City Burials (2020) et Mnemosynean (2021) à peine digérés, étaient déjà annoncés un nouveau single ainsi que la date de sortie du nouvel album. Alors, plus de deux ans et demi après son prédécesseur, qu’est-ce que Sky Void Of Stars a à nous raconter ?
Passons les mondanités et rentrons dans le vif du sujet. Katatonia décrit lui-même ce onze titres comme suit : "Our 12th album is a dynamic journey through vibrant darkness. Born out of yearning for what was lost and not found, the very peripheries of the unreachable, but composed and condensed into human form and presented as sounds and words true to the band’s signup. No stars here, just violent rain" *. Rien de nouveau sous le soleil froid, donc. La tension lourde de The Great Cold Distance (2006) qui témoignait majoritairement du deuil amoureux, est remplacée à partir de 2009 par le mal-être mental et sentimental devenu presque existentiel ; tantôt intériorisé tantôt dirigé vers le monde environnant et plus globalement la vie. Ce nouveau chapitre n’y fait pas exception.
Dans ce qui constitue le narthex de cet opus, les maîtres méritants du Metal mélancolique ont choisi comme single d’ouverture le complexe Austerity. Pour ceux qui ne s’appelleraient pas Romain Goulon, il faudra peut-être plus d’une écoute pour digérer les triolets aux accents forts peu conventionnels ; c’est une fois le premier couplet passé que nous pouvons apprécier la voix claire de Jonas Renske servant le refrain captivant avec panache. La noirceur du décor est plantée d’entrée de jeu avec les "fragments de ciel", l’horizon "fantomatique" et le "maelström", telle une toile grisâtre de Gauermann ou Friedrich. Bref, une météo austère nous accompagnant au fil des vers jusque dans le décor bétonné et froid du dernier titre : le sang et les flammes sur la pochette de Night Is The New Day laissent place à une cinématique remplie de cendres compactées par la pluie.
Nous retrouvons une même métaphore nihiliste de l’Homme contemplant sa propre mortalité ("These years, what a theft, 46 now, how many left […] I see the last days turning into emptiness, The birds, they rise, premonition of the other side") ou de l’au-delà ("I go west, gliding, weightless, through the vapor and into loss"), valant bien une comparaison avec le poème nommé Death Is Nothing At All de Henry Scott-Holland ("I have only slipped away into the next room"). Colossal Shade reprend les mêmes thèmes que Day And The Shade sorti 14 ans plus tôt : l’imagerie croyante ("saint" / "cathedral"), l’opposition lune / soleil et par extension le contraste jour / nuit, les montagnes / volcans, la trahison et cette éternelle idée de liberté.
Continuons notre avancée dans la nef ; sur le plan instrumental aussi, Sky Void Of Stars nous fait revenir une dizaine d’années en arrière : là où la deuxième moitié de décennie s’essayait sur un pan plus progressif puis un Electro plus moderne, nous retrouvons ici les sonorités plus classiques et familières du groupe, que ce soit les lignes de chants doublées pour avoir une harmonie constante, ou au contraire les vers se superposant, créant une polyphonie vocale intéressante, la réverbération importante pour plus de grandeur, parfois inversée en début de phrase pour un effet "fade in fantomatique, parfois couplée à une légère distorsion (vous savez, le fameux effet mégaphone), ce qui rajoute un certain grain appréciable.
Clairement, Katatonia s’est amusé à jouer avec les textures et le mastering effectué par Jacob Hansen est d’une propreté chirurgicale. Chaque piste, chaque sample, est d’une clarté sans précédent, Drab Moon en est un exemple probant. Nous pouvons également apprécier la batterie de Daniel Moilanen troquant son jeu épuré pour de la rondeur, de l’imposant et du percutant, ce qui vient contraster à la perfection avec les toplines de Jonas, à la légèreté et la simplicité presque humble. Et les cordes tantôt frottées tantôt staccato - car que serait le mélancolique sans un peu de larmoyant ? Est-ce qu’on en parle ?
Comparé à son prédécesseur un peu plus décousu, ce nouveau chapitre est autrement plus cohérent et ne nécessite qu’une seule écoute pour conquérir l’oreille et le cœur de l’auditeur : une énergie infaillible et moderne alliée à un défaitisme nostalgique. Verdict : si le ciel est dépourvu d’étoile, l’album n’est aucunement dépourvu de brillance et d’une splendeur unique en son genre.
A écouter : 1
* "Notre douzième album est un voyage dynamique à travers une obscurité vibrante ; né du désir de ce qui était perdu et introuvable, des périphéries mêmes de l'inaccessible, mais composé et condensé sous forme humaine et présenté comme des sons et des mots fidèles à la marque de fabrique du groupe. Pas d'étoiles ici, juste une pluie violente."