Katatonia
Doom Death / Rock Atmosphérique

City Burials
1) Heart Set To Divide
2) Behind The Blood
3) Lacquer
4) Rein
5) The Winter Of Our Passing
6) Vanishers
7) City Glaciers
8) Flicker
9) Lachesis
10) Neon Epitaph
11) Untrodden
Chronique
Catharsis (n.f.) : libération affective
Si ce groupe devait être résumé en un mot, ce serait probablement celui-ci. L’expression singulière d’une mélancolie aux multiples facettes. Après un quart de siècle d’existence, les Suédois de Katatonia, à l’instar d’In Flames, se seront assagis avec le temps et auront délaissé le Doom qui les caractérisait tant. The Fall of Hearts marque en 2016 un point charnière, un tournant plus franc mais apparemment moins assumé dans la carrière du groupe, une renaissance sous le signe du Metal Progressif, aux frontières de l’expérimental, renforçant par cette occasion la comparaison avec leurs compatriotes d’Opeth (et ancien collègue en ce qui concerne Mikael Åkerfeldt). C’est d’ailleurs après une tournée consacrée à cet album - où finalement très peu de ses morceaux seront joués - que les membres de Katatonia décideront d’un break de presque 5 ans. Environ dix ans après Night Is The New Day, où l’on devinait déjà les prémisses de leur évolution musicale, City Burials poursuit dans l’effort sur une voie qui s’annonce prometteuse.
Intro, couplet, build-up vers un refrain accrocheur, saupoudré de poésie en prose éthérée ; la recette est déjà rodée depuis dix albums. Mais le rythme global se voit cassé par le calme de morceaux tels que Lacker, Vanishers et Lachesis. Cette variation d’intensité tel un soufflé sorti trop tôt du four donne des moments musicaux écoutables mais aussitôt oubliés, empêchant ainsi une immersion de l’auditeur dans ceux présentant plus d’intensité, d’assise, et de profondeur, comme Heart Set To Divide ou l’étonnant City Glaciers. Nous retrouvons sur Rein ou Neon Epitaph les lignes de chants harmonisées devenues marque de fabrique de Jonas Renske, mais la majeure partie de la production est bien plus lissée, autant à la voix qu’à la guitare, ce qui rend l’intention un tantinet moins personnelle. De ce fait, l’album peut donner la sensation de traîner en longueur alors qu’il est notablement plus court que ses « frères ».
Là où son devancier comptait une bonne quinzaine de morceaux (bonus compris) répartis sur une heure et quart d’écoute, nous avons ici 13 titres avec une moyenne de 4 minutes par titre, un format plus radio-friendly, contre 6 ou 7 sur les opus précédents. Contrairement à Dead End Kings (2012), cet album est très hétérogène ; Le rythme en dents de scie sera laissé à l’appréciation de chacun ; Oui mais, quid du positif ? Ne partez pas, j’y arrive.
Outre la production lissée, la grande force de Katatonia réside dans l’irréprochabilité de l’exécution, dans la nuance, la sensibilité et la subtilité du texte. La qualité des vers et des lignes de chant sont fourbes en ce sens, elles vous reviendront en tête au moment le moins attendu ; et à échelle individuelle, les morceaux sont très appréciables, on les imaginerait aisément sur un opus antérieur.
Peut-être n’ont-ils pas complètement réussi à passer le cap du changement de style musical, mais ils ne vont pas retomber dans les sonorités trop organiques - presque home-made - et moins actuelles de Tonight’s Decision (1999) ou Viva Emptiness (2003), l’évolution dans le son et le jeu de la batterie est d’ailleurs remarquable. Ils arrivent encore à innover, à surprendre. Même si l’utilisation de nappes électroniques était présente, ne serait-ce que pour l’ambiance froide et mélancolique, elle ne l’a jamais été dans de telles proportions que sur Lacker, sorti en tant que single « teaser ». De quoi abuser du bouton replay !
Le dernier morceau (hors bonus) de l’album s’impose en clé de voute de l’ouvrage, nous offrant un rythme en 6/8 grisant, intimiste, et un ultime solo de Roger Öjerssom composé avec finesse jouant sur la corde sensible de notre nostalgie. Untrodden clôture avec panache un enregistrement qui s’annonçait un peu conflictuel, mais qui nous laisse finalement sur une note de « reviens-y ». Sans pour autant surpasser son prédécesseur, City Burials se laisse apprivoiser après plusieurs écoutes. « An acquired taste », comme on dit.
Le temps nous dira si Katatonia souhaite persévérer sur le chemin de sa nouvelle identité, repousser les frontières du genre, et prendre son envol... si le roi est finalement prêt à rendre sa couronne et le confort de son trône. En attendant, je vous conseille Mnemosynean, sorti en octobre 2021 pour les trente ans du groupe, qui regroupe toutes les bonus tracks, dont les excellents Ashen et Vakaren.