Un groupe français signé sur une major n’est pas chose si fréquente, c’est dire si l’album de Karma’Sutra se faisait attendre. Les moyens étant à la hauteur des ambitions musicales, le groupe a su s’entourer des bonnes personnes pour réaliser cet album avec Marc Damblé et Freddy Martineau à la production, Ali Staton (Deus, PJ Harvey, Tricky…) au mixage et Howie Weinberg (Korn, Deftones, Red Hot Chili Peppers…) au mastering. Autant dire que ce disque bénéficie d’une production irréprochable et d’un son énorme.
Pour ce qui est du contenu, Karma’Sutra donne dans un néo-métal relativement classique, dans la structure, tout en y apportant une touche personnelle qui relève la sauce comme il faut :
Pour ce qui est de la musique, les 2 guitaristes jouent en parfaite complémentarité, lorsque l’un assène un gros riff, le second pose par-dessus quelques arpèges bien sentis, ce qui apporte plus de profondeur à l’ensemble. Et la section rythmique n’est pas en reste, avec notamment la basse qui est bien mise en avant. Ca boost largement les compos qui dans l’ensemble avaient déjà bien la pêche (A la source, Présent, Laisse toi faire). Timor constitue un break bien placé au milieu du CD pour calmer les esprits : texte parlé et sonorités oppressantes qui pourraient rappeler le groupe Diabologum… L’album s’achève sur une piste instrumentale aux ambiances un peu psychédélique, tentative de faire oublier à l’auditeur dans quel monde il vit…
Les textes sont scandés / hurlés / revendiqués en français. Revendiqués parce que Karma’Sutra a des choses à dire : dénoncer les inégalités hommes femmes (Aeterna Femina), parler des magouilles concernant les marchés de l’eau dans le monde (l’or bleu, alors que le groupe est signé chez Island, division de Universal qui appartient à Vivendi), évoquer les massacres perpétrer au Timor-Oriental par le pouvoir en place (Timor), rendre hommage à une avocate mexicaine assassinée pour avoir défendu les zappatistes dans son pays (Digna), aborder le sujet de la peine de mort (la logique de l’effroi)… où raconter une histoire mettant en scène 4 acteurs de l’économie libérale qui se retrouvent à la merci des cours de la bourse (Cashflow). Avec ce genre de paroles il est très facile de tomber dans le ridicule et ainsi rater son but, mais Karma’Sutra évite avec habilité cet écueil : les textes étant très bien renseignés (chiffres à l’appui) et bien rythmés, leur cri de révolte reste crédible (laisse toi faire). Et la voix braillarde de Bass’ colle complétement à l’ambiance dégagée par cette musique militante.
Militants jusqu’à l’artwork du CD, réalisé par Jay, qui représente une multitude de petits bonhomme qui dérivent et qui se font broyer entre 2 presses dont les rouages sont matérialisés par les logos des maisons de disque Island et Universal.
Un groupe culotté et révolté !
A écouter : Cashflow, A la source, Digna