Kampfar
Black Metal

Mellom Skogkledde Aaser
01. Intro
02. Valdogg
03. Valgalderkvad
04. Kledd I Brynje Og Smykket Blodorm
05. Hymne
06. Bukkeferd
07. Naglfar / Ragnarok
Chronique
Nous sommes en 1997 et Kampfar est alors un jeune duo norvégien de Black Metal qui sort son premier album sur un petit label allemand, Malicious Records. Il se passe pas mal de choses à l’époque notamment en Norvège. Summoning sort Dol Guldur, Immortal arrive avec Blizzard Beasts, Ulver livre Nattens Madrigal, Dimmu Borgir c’est Enthroned Darkness Triumphant et Emperor est aussi là avec Anthems At The Welkin At Dusk. En bref, si le Black Metal reste encore largement confidentiel, il est en train de se répandre comme une trainée de poudre et connait ses belles heures de gloire avec des disques encore cultes aujourd’hui. Kampfar arrive un poil à la traine par rapport à ses petits copains de récré, mais sa démarche est tout autre et œuvre plutôt dans un Black Metal glacial, mélodique, fortement teinté de racines folkloriques, ce que l’on appelle désormais le Pagan Black Metal.
Kampfar en fût l’un de ses premiers représentants et Mellom Skogkledde Aaser en un témoignage précieux et important. A l’inverse de beaucoup de groupes à l’époque, le duo norvégiens prend la tangente et propose un Black Metal qui n’est pas spécialement violent, en tout cas ce n’est pas le but premier, mais déploie plutôt une ambiance frissonnante et des mélodies folkloriques conférant à ce disque une vraie personnalité dans la scène norvégienne de l’époque et une volonté de montrer autre chose. Car Mellom Skogkledde Aaser est un album d’une beauté rare, cristalline et si sa froideur vous enveloppe c’est pour mieux contempler le charme d’une nature brute, hostile, mais terriblement séduisante. A l’inverse de groupes de Black Metal qui voient la nature comme un moyen de réclusion, de solitude, de haine de l’être humain, Kampfar épouse plutôt le fait de ne faire qu’un avec ces forêts enneigées, ces lacs gelées et ces sommets montagneux difficile à gravir, mais dont la vue et le paysage que l’on contemple, vaut tous les sacrifices du monde. C’est simple, écouter Mellom Skogkledde Aaser c’est faire corps avec une nature rude, mystique et lumineuse.
Tout dans cet album est marqué d’une empreinte vivifiante et épique. Les mélodies folkloriques ou les cœurs dans Hymne en sont un bon exemple. Comme chez leurs compatriotes de Windir, Kampfar sait trouver la mélodie qui sublime, qui transporte, qui rend un titre qui fait la différence entre une écriture calculée, conforme et celle qui vient des tripes. Parce que ce Mellom Skogkledde Aaser possède vraiment un côté émotionnel, naïf même, qu’on ne retrouve que peut dans les œuvres de Pagan Black Metal. C’est le cas des deux mélodies au sein de Valdogg qui parsème les assauts plus ténébreux. Il y a ce quelque chose de fin, sincère qui surnage de cette tornade de trémolos agressifs. Le son de guitare fait également beaucoup pour ce disque, il n’est pas trop incisif, juste ce qu’il faut pour porter d’excellent riffs entrainants et guerriers comme sur Valgalderkvad. De même, la batterie axe plutôt son jeu sur du mid-tempo, bien qu’on ait quelques accélérations et rythmique très soutenue comme sur Kledd I Brynje Og Smykket Blodorm, néanmoins maintenu par des éléments folklorique de toute beauté.
C’est sans doute là tout le talent de Kampfar sur ce premier album, c’est de jouer avec subtilité entre les passages agressifs, les moments de pure évasion, mais aussi de jongler avec habilité entre les éléments folkloriques et ceux électrique. Un vrai travail de funambule avec encore une fois Valdogg en parfaite illustration ou bien Hymne à la mélodie incroyable et où les cœurs viking font mouche. C’est puissant et adroit, un peu comme certains titres d’Enslaved qui arrivent à dégager ce sentiment d’exaltation et de ferveur comme touché par la grâce des dieux d’Asgard. Tout semble couler de source, de manière très naturelle comme sur le titre Bukkerferd par exemple, où les breaks entre les parties rapides et les moments d’accalmies (certains mid-tempo font presque penser à une sorte de rituel ou de procession) sont vraiment jouissifs, toujours portée par une ligne de guitare en général assez simple, mais d’un phrasé et d’une beauté qui impose le respect.
Nul besoin d’épiloguer d’avantage, Mellom Skogkledde Aaser, est un petit bijou de Pagan Black Metal. Il est traversé d’ambiances incroyables, d’une spontanéité et d’un naturel qui fait souvent trop défaut dans le genre, surtout actuellement. Avec ce premier album, Kampfar, tout comme Windir dans sa discographie, arrive à cristalliser à ce qui fera l’essence de ce genre, mais sans jamais aller dans les clichés, ni verser dans la musique faussement épique avec une multitude de notes éculées ou les chansons à boire. Un superbe album, tout court, et pourquoi pas un disque à écouter pour montrer que non, la musique Pagan / Folk, ne se résume pas à des beaufs avec des cornes à boire.