A-t-on encore quelque chose à prouver quand on fait partie des rares survivants d'un style dépassé ? Kalmah a pu se poser la question en écrivant Palo ("ardeur" en carélien), en se retournant sur ses vingt ans de carrière dans le Death-Mélo. Qu'il est loin, le début des années 2000, l'époque où le genre caracolait en haut des playlists préférées des lycéens que nous étions, l'époque où les icônes du mouvement étaient encore dignes d'intérêt (coucou Children Of Bodom)... En 2018, qu'en reste-t-il ? Une poignée de groupes, dont beaucoup vont chercher du renouveau dans le Deathcore ou le Pagan/Folk. Alors, ce nouveau Kalmah, va-t-il finir d'enterrer le Mélodeath, ou le remettre au goût du jour ?
Si la première lyric-video dévoilée (pour Evil Kin) pouvait faire peur car dénuée de beaucoup des éléments caractéristiques du groupe (où sont les riffs ?), qu'on se rassure, les Finlandais n'ont pas tout perdu pendant les cinq ans qui nous séparent de Seventh Swamphony. C'est avec plaisir qu'on retrouve les riffs mélodiques géniaux typiques du "Swamp Metal" de Kalmah : à la frontière du Death-Mélo, du Thrash, du Folk épique, et du Power-Heavy (couplets de Paystreak, de Blood Ran Cold...), le tout parsemé d'influences Black, principalement sur le jeu de batterie rempli de blast-beats et de double-pédale à mille à l'heure (Into The Black Marsh, Blood Ran Cold, The World Of Rage). Omniprésents tout au long des trois quarts d'heure de Palo, ces passages efficaces, mélodiques et prenants, appellent instantanément au headbang. Quant au chant, il est grogné de façon toujours aussi gutturale, dont l'aspect rocailleux et brutal renforce l'impact des riffs.
Oui mais... Est-ce tout ? Est-ce vraiment tout ce qui fait l'essence de la cuvée 2018 des vétérans que sont Kalmah ? Ces points forts sont déjà les mêmes depuis quinze ans, alors comment Palo se démarque-t-il ?
Il ne se démarque pas.
A la troisième ou quatrième écoute, une fois passé l'engouement initial de renouer avec son amour de jeunesse, rien ne ressort, aucun tube ne reste en tête comme le faisait par exemple le titre éponyme du précédent effort, malgré la qualité discutable de l'opus. Certains moments dans cette nouvelle production semblent moins inspirés (Evil Kin en dehors de ses refrains, Erase And Diverge (refrains inclus, cette fois...)), ou déjà entendus (Waiting In The Wings, Through The Shallow Waters). Mais il y a pire : Kalmah fait preuve de maladresse. Les solos moins techniques qu'auparavant qui laissent sur notre faim ; l'inutile ralentissement de cadence au milieu de The World Of Rage ; la fin en queue de poisson de Through The Shallow Waters ; tout le titre Take Me Away, mid-tempo raté qui sombre dans le kitsch ; les gang-shouts malaisants à la CoB dans Into The Black Marsh... Rarement les Finlandais ont fait autant de faux-pas dans un de leurs albums.
Certes, Palo reste un disque agréable, et au moins certains de ses titres vont probablement être des machines à pogos lors des futurs concerts. Mais c'est tout, "agréable" et sans plus. Difficile à encaisser de la part d'une formation comme Kalmah, qui semble tout simplement en mode pilote-automatique : un album "satisfaisant", c'est loin en-dessous des standards attendus des auteurs des colossaux They Will Return ou Swampsong...
A écouter : Blood Ran Cold