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Biographie

Kafka

Nom aux origines littéraires énigmatiques, Kafka se veut descendants de patriarches tels que Pink Floyd ou King Crimson. Naissant dans la fin de millénaire le groupe ne tarde pas, d’abord par la scène, puis rapidement sur disque à impressionner les esprits. N’hésitant pas à se frotter aussi bien aux improvisations qu’au théâtre (projet de création d’une musique originale), ces quatre musiciens hors-pairs fascinent, effraient et enchantent. Guillaume Mazard (Basse), Rémi Faraut (Batterie), Clément Peyronnet (Guitare), Rémi Aurine-Bélloc (Guitare) sortent leur premier album, abouti aussi bien dans le son que dans le visuel en 2004. Sans cesse à la recherche d'expérimentations diverses, O parait en 2007 suivit par Geografia quatre ans plus tard.

Chronique

18 / 20
1 commentaire (18.5/20).

Kafka ( 2004 )

Pour être franc, le post rock ne m’avait jamais réellement attiré et ce n’est pas les références du genre (Mogwaï, Sigur Ros et autre Godspeed you !)  qui y auront changé grand chose. Trop distant de mes aspirations sensibles sans nul doute … Mais Kafka semble être mon exception qui confirmera la règle. Là ou je ne trouvais qu’ennui, vide et regards hagards  surgit un monstre d’inventivité et pourtant violemment ancré dans une intemporalité psychédélique. Leur 2 titres m’avait scotché, l’album me laisse traumatisé. L’identité de ces 4 psychanalystes de l’auditif se saisit de la notre et se l’approprie. Ils bâtissent avec un séduisant talent une cellule de rythmiques, de saturations, de ronflements glauques dont la seule et inaccessible ouverture est celle d’un visuel et d’un nom qui imposent plus d’interrogations qu’ils n’offrent de début de réponses. Le cérébral s’en retrouve agité mais s’épuise bien vite, l’ordre du jour n’est pas à la question mais à l’incarcération. La peine peut paraître insignifiante, 66 minutes et 27 secondes c’est bien peu pour entrevoir un espoir de rédemption, pourtant, l’impact du temps semble s’effacer et les compos prennent un goût d’infini. Privé de la vue, chaque son a son importance, comme chaque silence. Les mauvais traitements comme les tentatives de corruption se font multitudes et l’on se laisse enchainé avec délectation.
Kafka s’illustre au travers de 5 chapitres, parler de morceaux est difficile tant l’ensemble est cohérent et les limites difficilement discernables. On est transféré de cellule en cellule, de bloc en bloc, les murs se ressemblent mais ont tous une saveur unique, une succulente odeur de création tordue mêlée à d’infimes et rassurants relents de nostalgie. On se surprends à gratter les parois sur les montées en puissances de Neuf, l’art de la progression, multipliant les tensions, est totalement maîtrisé par nos geôliers qui ne se lasse pas de nous endormir avec de doux arpèges pour brusquement nous insuffler une rage grondante où basse et batterie prennent quelques instants des allures de bourreau pour abattre le couperet du sursaut sur nos oreilles bercées. Cette dualité a beau s’étaler dans le temps, elle ne lasse à aucun moment, se faisant évolutive et s’offrant avec de plus en plus d’intensité. La désorientation devient vite une forme de perception étrangement familière, on ne s’étonne plus d’être perdu, on se contente de savourer sans chercher à deviner les formes de notre pénitencier. Hyperion se dévoile avec une énergie bien moins complexe dans sa structure mais bien plus efficace dans sa forme. Les piliers rythmiques reculent pour laisser entrer avec plus de force les électriques mélodies menant pas à pas vers un bloc de riff bien éloigné du rock tant revendiqué par le groupe. L’agression, lente et lancinante, génère un contraste troublant avec le long silence (d’étranges distorsions sont les seules présences à ne pas déserter nos tympans) qui lui survit. 
Faiseur de brumes (avec la participation de Manu de Tryo) se fait plus léger, les sons de cloches et autres percussions menant une passionante conversation avec les chuchotantes guitares. On perçoit comme une lumière nouvelle éclairant d’une manière particulière notre prison auditive. Chouka et ses airs enjoués nous ramènent vers la sortie, on distingue une issue dans cet amas hypnotique et complexe, qui n’en reste pas moins glauquement jouissif. Pourtant, le monstre ne tarde pas à se ressaisir et les ombres des barreaux à se profiler de nouveau. L’œil pourpre (déjà présente sur le 2 titres) impose son angoissante vision qu’on imagine tout droit héritée d’un Tool hybridé à un rock anarchique. Les derniers battements lacérés par les cordes électriques finissent de nous couper du monde, plongés dans des visions que seuls nos tympans perçoivent.
Les énigmes n’en restent pas moins insolubles, on se retrouve tel le Grégor (comment ne pas établir le lien entre l’œuvre majeure de Kafka, l’auteur, pas le groupe, tant le visuel et les sons renvoient à ces ambiances glauquement jubilatoires) du nouveau millénaire, exclu du monde le temps d’un emprisonnement qui, faute d’être à vie, n’en reste pas moins unique. Il ne reste que nous, sur le seuil de notre cellule, la seule que l’on quitte avec un amer regret et que l’on n’hésite jamais une seconde à regagner …

A écouter : Int