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Biographie
Justin(e) est plus ou moins un quatuor Punk-Rock né en 2002, revival fantasque d’une scène nantaise naviguant à vue entre les Zab (comprendre Zabriskie Point) de la côte ouest française, et un côté pop punk west coast à la Green Day, des ohoh aux relents Rancidien et une pincée de foutu riff à-la-Nofx. Le tout dans la langue de François Bégaudeau. Deux démos, un live pourri, puis un premier album de très bonne facture, Du Pareil Au Même, sort en 2006 via Crash Disques et Guerilla Asso. Fin 2008, ils sortent leur excellent second album, Accident N°7, qui amorcera leurs albums suivants, Treilleres Uber Alles, d+/m- et le tout récent 06 72 43 58 15 avec des textes sociaux.
J’ai été tenté d’appeler ce fameux numéro, un peu comme quand tu appelais le numéro du père noël ou celui des filles chaudes de ta région quand tu avais 12 ans. Manque de temps, oubli, … toutes les excuses sont bonnes pour justifier mon absence de réalisation de ce geste si anodin, comme prendre des nouvelles de potes de temps en temps, pour se donner bonne conscience ou simplement se rappeler quelques vieux souvenirs autour d’une bière.
Bref, ce 0672435815 est à Justin(e) ce que Amor Fati est à Guerilla Poubelle : un album qui surprend encore, mais pas vraiment, parce que l’on connaît le virage pris par les musiciens et certains thèmes chers à leur coeur. On a envie de danser sur « Fréquence Paris Plurielle » ou de reprendre en choeur « Marge - Juin 1974 - 2 Francs », et c’est là l’une des force de ce disque : aborder des sujets moins fun mais en gardant un côté entrainant, prenant même parfois quelques jeux de cordes à des groupes plus Pop (l’un des riffs de « Brûle Raison Brûle » me fait inconsciemment penser à du Two Door Cinema Club) mais sans jamais oublier cette âme Punk Rock (« Micropolitique du Fascisme » ou « Aurélia »).
Il faut dire que maintenant, le combo est rodé : line-up stable, une bonne série d’albums avec des retours en général positifs, des thèmes assez variés, … Le faute serait de faire un copier / coller, mais les variations sont présentes, peut être moins sombres dans les sonorités que sur D+M-, mais on est tout de même loin de titres comme « Que les surfeurs nazis meurent » ou « On a des guests ». Les musiciens réussiront sans difficulté à se faire adopter des connaisseurs de Justin(e), au moins sur le plan musical, car sur les paroles, certain(e) thèmes ou postures adopté(e)s feront toujours tiquer les moins ouverts, loin du Metal Parodique d’Ultra Vomit : de Frantz Fanon (psychiatre et essayiste impliqué dans l’indépendance de l’Algérie) à Bolloré (sur « Mère Chose »), mais aussi d’aspects politiques (« Adieu Vieux Continent » et « Micropolitique du Fascisme »), j’y retrouve un esprit très 80’s, avec des paroles moins brutes, mais aussi un peu d’auto-dérision (« 06 72 43 58 15 »). Et plus les écoutes passent, plus le disque fait son effet : séducteur, intrigant, pas facile d’accroche à ses débuts, … un peu comme D+M-.
Bon Justin(e), on se retrouve dans 3 ans maintenant ? Tu auras encore pris quelques années, mais tu auras encore quelque chose à dire, je le sais. On s’enjaillera sur tes nouveaux titres, on boira des bières et on se dire encore que c’est toujours cool de reprendre contact. D’ici là, on se croisera peut être en concert ou dans un bar, et j’aurai à nouveau ce petit pincement de coeur.
A écouter : Micropolitique du Fascisme / Marge - Juin 1974 - 2 Francs
On avait laissé Justin(e) avec un Treilleres über Alles faisant chavirer les coeurs. Peu enclin à se reposer sur ses acquis, le combo revient sur d+/m-, allant plus loin dans l’artwork rétro et passant pour l’occasion par quelques mois d’attente entre l’annonce de la sortie, le premier titre « Tu ne marcheras plus jamais seul » et la sortie physique du disque.
Ainsi donc, Justin(e) continue son petit bonhomme de chemin avec ce quatrième opus. La recette est la même : un Punk frenchy qu’on connait également grâce aux défunts Nina’school, à Diego Pallavas, Dolores Riposte, … et dont les premiers pas des Nantais remontent maintenant à plus de dix ans. Entre-temps, la maturité a fait poindre quelques boutons d’acné avant de définitivement se stabiliser musicalement avec Accident n°7. Le rapport avec ce d+/m- ? Simplement qu’il sera difficile d’apprécier à sa juste valeur ce cru 2014 si on ne pouvait s’encanailler avec les albums précédents.
Tout s’y rattache, dans le fond et la forme : chant en français avec des refrains que l’on reprendra en choeur, des lignes rebondies (« Tu ne marcheras plus jamais seul », « On a des guests » ou « Loin de moi ») portant des textes dont le sens est donné dans le livre fourni en précommande.
Quoi ? Cela voudrait donc dire que Justin(e) se contente de refaire la même chose que précédemment ?
Et bien non, pas tout à fait. C’est moins emporté qu’avant (« Le septième titre », « Les hommes providentiels ») mais tout aussi percutant, s’autorisant toutefois un retour au frontal sur « Viva World Cup », faisant revivre l’intensité que l’on peut connaitre des dernières secondes d’un match de foot. C’est d’ailleurs ce qui a été difficile a appréhender lors des premiers passages sur la platine : le combo n’est plus limité à ce Punk Rock un peu bondissant à la Nofx, mettant de l’eau dans sa bière et prend presque un air plus sombre. Cela peut sembler assez caricatural, pourtant l’effet est bien là : « Cila » ou « Au plaisir de vous décevoir » ne surprennent pas de par l’évolution de Justin(e) mais restent moins facilement en tête.
Alors comment résumer en quelques mots ce d+/m- ? Social, footeux, souriant, punk, … Les adjectifs ne manquent pas mais il aura vraiment fallu laisser un temps mort entre les premières écoutes de d+/m- et la capacité à apprécier l’intégralité dudit disque. Contrairement aux deux opus précédents qui s’effeuillaient assez rapidement mais faisaient mouche dès les premières secondes, ce nouvel album se sera laissé désirer. Pour autant, le constat est le même : Justin(e) est l’un des groupes les plus stables sur toutes ses sorties.
A écouter : Tu ne marcheras plus jamais seul
Un discret "Bonjour" et ça démarre. Justin(e) rentre dans le ton, "Treillères Uber Alles", en référence à peine voilée aux Dead Kennedys et "California Uber Alles". Pourtant, Justin(e) se la joue 100% frenchy avec un artwork en pur hommage aux albums Panini des années 80, allant jusqu'à fournir de magnifiques vignettes à collectionner avec ce 3ème jet. On l'avait déjà deviné, le foot est un élément important pour le quatuor, mais pas que. Vient aussi le sexe ("Quelque chose entre", avec une approche beaucoup plus sérieuse que celle à laquelle on pourrait s'attendre), une simple chanson sur la Seine et Marne ("BB 77", rien à voir avec Brigitte) et la société actuelle.
En effet, Justin(e) sait aussi aller vers de choses plus profondes comme ils l'avaient déjà montrés sur Accident n°7 : "Tosquelles 1912-1994" (du nom du psychiatre Catalan), "Kronstadt" (ville du nord de la Russie liée à une révolution de 1921), "La chanson du lait" qui conte le quotidien des producteurs de Lait ou l'époustouflant "A.A", dont une seule phrase peut résumer la pensée ("Quelle joie de tous vous détruire / De réduire à néant tout ce qui me sépare de vous"). Justin(e) n'est donc pas qu'un groupe qui sait jouer sur la passion ou le léger, mais aussi sur des choses plus terre-à-terre.
On pourrait voir Justin(e) comme un simple groupe de Punk Rock qui s'oublie rapidement une fois l'écoute terminée mais il n'en est rien. En sont coupables des titres qui restent facilement en mémoire, avec quelques refrains marquants et rarement plus de 2"30 par morceau. "AA", "Une Ode à la Mort", "Rome", "Les Momes Tristes", … C'est bête mais à chaque fois, on se dit "Celui-ci est énorme !", et les mots reviennent au morceau suivant. Si toutefois je ne devais en garder qu'un, "Rome" mettrait un beau K.O. au reste de Treillères Uber Alles, autant par la profondeur des paroles que la partie instrumentale.
Justin(e), punk intelligent ? Et ouais ! C'était déjà le cas sur Du Pareil au Même et Accident N°7, même si on s'attend en l'apparence à des textes plus potaches (parce que bon, il y a quand même un bout de Poésie Zéro et un de Ultra Vomit). C'est idiot de partir sur ce sentiment là, surtout qu'au final les musiciens ne se limitent - heureusement - pas au trio maintes fois béni bière/foot/party.
Accident n°7 montrait que Justin(e) était devenu grand et beau. Treillères Uber Alles a fait disparaitre les quelques boutons d'acné qui restaient discrètement dissimulés pour un disque qui sonne beaucoup plus adulte. Mais au fait, je vous ai dit d'écouter "Une Ode à la Mort" ? Vous devriez, cela vous irai à ravir.
A écouter : A.A - Une Ode à la Mort
A une époque, les groupes qu’on aimait (ou qu’on détestait) avait tous un numéro dans leur nom (Blink 182, Sum 41, Catch22, Inspection12…) ou commençait par The (The Clash, The Kills, The Hives, The Living End, The International Noise Conspiracy, The Libertines…). C’était tellement plus rock (ou pas)!
En France, la nouvelle vague punk-rock "Salut, on chante en français" déboule avec ses « prénoms », et le label Guerilla Asso en est presque le parangon avec son roster (Dolores Riposte, Charly Fiasco, Diego Pallavas, Fred Fresh, Nina’School…) et Justin(e) se glisse délicatement sur le haut du tas de linge propre. Dès la première écoute du nouvel opus, on se dit que Justin(e) est passé à la vitesse supérieure, un peu à l’image d’un Robert (Pirès) à qui l’on aurait demandé de muscler son jeu, sans quoi il resterait un joueur (un groupe), destiné au ventre mou du football (du punk-rock). Le résultat est étonnant, l’album est enregistré au DrudenHaus Studio par le "dieu vivant" (sic) Neb Xort (clavier d'Anorexia Nervosa). Quinze titres qui dépassent rarement les 2min30, et une tripotée de morceaux de bravoure : "Festen" est juste hystériquement bonne. A la fois mélancolique et puissante, une histoire comme seule Justin(e) sait les raconter, avec les arguments du frère, plutôt que celui du père. "Vie de Merde" nous emmène dans les travers de la société de consommation. Ford avait bien prévenu "Nous ne fabriquons pas des voitures, nous vendons des voitures", ça change tout, quand on y regarde de près, des hauts salaires ? Certainement pas. Cette « belle bonne grosse vie de merde » est narrée sur des airs pop punk avec un featuring du vosgien BatBat (Diego Pallavas). "De l'indirect et des mots d'ordre" et "Hors Sujet" envoient la grosse sauce, et déclinent la recette de Guerilla Poubelle. Ce qui est attachant chez Justin(e), c’est la manière dont les mots se suivent, comment les mots s’entremêlent, des mots qu’on s’étonne de trouver ici ou là, sautillant en rythme sur les grosses cordes de basse ou sur la petite caisse claire, conservant toujours différent niveaux de lecture. Et même si les textes sont riches et bourrés de références ("Hors Sujet" en est le parangon, alignant des privatejoke particulièrement absconses, mais drôle), les garçons sont clairement attachés à certaines valeurs dites de "gauche" (souvenez-vous) et abordent des questions (pas aisées) de classe, de race, les âmes corporatistes, la rentière qui ne rencontrera jamais l’ouvrière, aussi sûr que le fils du pauvre n’épousera pas la jeune bourgeoise, les enclos magiques du capital, les systèmes d’exploitation, bref pas mal de choses qui ont à voir avec les plus haïssables excès de notre société de consommation contemporaine en même temps qu’ils ont à voir avec le « Biopouvoir », « la société de contrôle » et le « Surveiller et Punir » de l’autre Foucault…, moins médiatique, mais plus intéressant, Michel. Les petits L(o)U(ps) sont également fan de foot. Tâclant Tony Vairelles, ironisant sur le PSG, on a droit à un vibrant hommage à Jean-Claude Suaudeau (ex-entraîneur mythique du FC Nantes) sur la chanson éponyme. Bref, ce nouvel opus de Justin(e) est d’une grande clarté, avec beaucoup d’excellent moments, et le combo semble bien prêt à continuer son indéfectible marche en avant, car ceux qui avaient eu la bonne idée d'écouter leur premier album savaient que Justin(e) deviendrait grand et beau.
A écouter : Festen
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