Avec un premier jet d'une telle trempe, Jordablod a d'ores et déjà de quoi nous faire saliver pour un bon bout de temps. Parce que ces mecs sont visiblement des touche à tout sans interdits qui ne se satisfont pas de tout ce qui se trouve à la simple lisière de leurs genres d'attache.
Difficiles à cadrer et tant mieux. Nos Suédois du jour ont l'esprit aventureux de Morbus Chron, Bölzer, et toute autre bande de lascars créatifs et amateurs de fausses pistes.
Pourtant on ne se leurre pas de suite, l'entame du premier titre sonne résolument Black Metal trempé avec parcimonie dans un son Death corrosif. Mais, tenace, elle persiste cette guitare qui ne veut pas faire comme tout le monde. Fil d'Ariane de cet album, on n'aura de cesse de s'y raccrocher en permanence pour nous guider dans le labyrinthe carnavalesque de Chants For The Black One ou nous hisser au son d'un Hin Hale qui résonne comme une lente ascension. Les salves Black/Death ont bien sûr leurs jolis moments de gloire (Of Fiery Passion), mais se parent de couleurs plus chaudes que le monochrome carré noir sur fond poisse/crasse/haine habituel. Peut-être un simple effet d'artwork, va savoir.
Mais les accents orientalistes de Liberator Of Eden sont bel et bien présents. Les rythmes tribaux, les passages Post-Black de En Route To The Unknown aussi. Autant dire que le trio te sert de la compo à tiroir bien inspirée excédant allègrement les 7 minutes en moyenne. Montées, interludes, reprises inattendues, les Suédois nous baladent à leur gré, les deux pieds dans le Black et les yeux dans les nuages vers des cieux Psyché ou Prog.
Jordablod fait vivre Upon My Cremation Pyre comme un périple total en soignant les ambiances de ses entrées et sorties de morceaux. Pour preuve, Of Fiery Passion et ses cordes claires et discrètes apaisent les esprits avant un départ d'orage chaotique et soudain, sous forme de questions-réponses de fûts déchaînés et de riffs méchants. Dans un autre registre, le morceau éponyme et son intro funeste envahira l'espace tout en progression jusqu'à l'explosion finale, tremolo picking en tête. C'est tragique, majestueux et beau comme un Post-Rock qui te foutrait le cafard.
En toute honnêteté, Upon My Cremation Pyre est de ces opus géniaux difficiles à décrire avec de simples mots, parce que homogène dans sa recette et à la fois très varié de par les effets qu'il produit. Je ne saurais que trop vous conseiller donc d'aller vous allonger une heure durant, le casque sur les oreilles et les mirettes bien fermées (ou ouvertes sur leurs paroles mystico-religieuses façon MGLA). Et ensuite ? En Route To The Unknown.