Jimmy Eat World
Emo / Power Pop
Clarity
1 - Table For Glasses 2 - Lucky Dever Mint 3 - Your New Aesthetic 4 - Believe In What You Want 5 - A Sunday 6 - Crush 7 - 12.23.95 8 - Ten 9 - Just Watch The Fireworks 10 - For Me This Is Heaven 11 - Blister 12 - Clarity 13 - Goodbye Sky Harbor
Chronique
Album pilier du mouvement emo de la fin des années 90 (considéré comme la deuxième vague), Clarity demeure quelques années après sa parution de ces œuvres devenues références avec le temps ( l’album à sa sortie a d’abord reçu un accueil plutôt froid, si ce n’est en Allemagne, ce qui contribuera à l’évincement du groupe de chez Capitol. A l’époque, la maison de disques se contentait simplement de ‘fournir’ un van au groupe…un mal pour un bien donc, dirons-nous); une œuvre dont l’esthétisme et la qualité musicale ont laissé une empreinte indélébile sur le genre.
Auteur d’un premier album au succès mesuré, Jimmy Eat World réouvre en 1999 son écrin pour en sortir une perle aussi inattendue que retentissante. S’appuyant sur ce qu’on avait déjà pu entrevoir au cours de la décennie chez Fugazi, Sunny Day Real Estate, Texas Is The Reason ou The Promise Ring, les natifs de Mesa planchent deux ans sur ce projet, multipliant les séances de travail (Mark Trombino (Blink 182, Finch...) assurant toujours la production ), puisant au fond de leur imagination, peaufinant les arrangements jusque dans les moindres détails pour en ressortir ce qui reste à ce jour comme leur chef d’œuvre (pour certains celui de toute une scène). Bilan : une production époustouflante, et une quasi redécouverte pour l’auditeur à chaque nouvelle écoute attentive.
Si, question tonalité, les racines powerpop sont à l’honneur ( "Lucky Denver Mint", "Believe in What You Want"), le combo choisit globalement de baisser la pédale pour la majorité de ses morceaux, s’évertuant à poser un tempo plus lent, plus progressif qui laisse ainsi mieux apprécier ses nuances ( pour des titres qui varient entre 2’40 et 16’11). Des lignes de guitare par à-coups, enchevêtrées, souvent saccadées, comme des sanglots; une évolution rythmique et structurelle dans chaque titre, Clarity se découvre par strates, par vagues successives. Le travail d’orfèvre réalisé en studio fait apprécier cette superposition de voix, des différents instruments et des 'noises', ce qui donne à l’ensemble une profondeur et un raffinement édifiant ("Table for Glasses", "For me this is the Heaven") : balayage de violons (Joel Derouin au violon et Suzie Katayama au violoncelle), soulèvement d’orgue, tintement de xylophone, et autres minimoog, farsifa etc; l’album est une horloge dorée dont on entend tous les rouages s’actionner méticuleusement pour faire fonctionner l’édifice. L’apothéose finale (les 12 dernières minutes de "Goodbye Sky Harbor") gagnera à ce titre toutes les louanges possibles en la matière.
Ouvrant ainsi de vastes horizons musicaux, JEW laisse à la voix de Jim Adkins une étendue à la mesure de son désir (certains regretteront cependant l’effacement de Tom Linton sur ce disque, dont le chant rugueux, rocailleux (voir Blister) contrebalançait à merveille celui de Jim sur leurs précédents enregistrements…). Adkins, qui sera ensuite maintes fois copié, dépose sur les bandes une empreinte toute en fragilité et en délicatesse, une caresse vocale qui deviendra par la suite caractéristique du genre. Un timbre crécelle, à la limite parfois de la masculinité ("12.23.95"), langoureux, prolongé, crié, souvent doublé, qui laisse éclater une fibre sensible et émotionnelle hors du commun ("Ten").
Clarity n’a pas vieilli, Clarity grandit. Par la grâce que l’œuvre a su préserver, par l’influence qu’elle a eu, elle possède aujourd’hui encore une réelle contemporanéité, une identité intarissable faite de richesses, de soins et d’ingéniosités artistiques. L’album finit sur une question masquée "Do you remember that ?". La réponse est oui, on continue de s’en souvenir de ce Clarity, et on continuera longtemps encore.
Dès le début de l'écoute, on se rend compte que c'est super accessible, facile, simple, mièvre, et on se dit que ça n'a pas d'intérêt, et on commence à avoir mal au porte-monnaie. Mais au bout de trente secondes, on n'arrive déjà plus à décrocher. On est scotché. Mais pourquoi ? Alors que c'est de la guimauve ! Ben c'est ça le truc. C'est la meilleure de toutes les guimauves qui existent. Dans le genre de la pop suave et délicieuse, cet album est LE chez-d'oeuvre. On peut se demander si ces gars-là ont pondu ça sans le faire exprès, alors qu'ils voulaient vraiment faire dans le "pop punk" à la mode, ou s'ils sont de véritables génies : presque tous les morceaux sont taillés sur le format radio, 3 minutes 45, 5 minutes pour les plus longs, mais quand arrive le dernier, long d'un quart d'heure, on est subjugué par la simplicité et le calme de cette longue fin, qui se répète, mais que l'on veut encore entendre, qui va de variation en variation, avec ces voix si agréables, et qui se termine avec une sonorité électro, pour finir en beauté, pour nous montrer qu'ils maîtrisent leur sujet jusqu'à pouvoir se permettre ce genre d'excentricité tellement appréciées des mélomanes que nous sommes, trop habitués à la complexité et à la recherche de nouveaux horizons musicaux, alors que devant notre nez pend ce bijou...