Biographie

Jean-Louis Murat

Murat apparaît sur la scène française au début des années 80 avec le single Suicidez-vous, le peuple est mort. S'ensuit une période creuse: les disques ne se vendent pas ; l'homme demeure dans l'anonymat et l'insuccès. Avec Cheyenne Autumn, en 1989, le succès revient. Qui ira croissant d'album en album. S'ensuivent les albums studio : Le manteau de pluie (1991), Vénus (1993), Dolorès (1996), Mustango (1999), Madame Deshoulières (2001), Le moujik et sa femme (2002), Lilith (2003), A bird on a poire (2004), Moscou (2005), 1451 (2005), 1829 (2005). A cela s'ajoutent divers maxis, albums live (dont l'absolu chef d'oeuvre electro-rock Muragostang, 2000) et un DVD-CD.

Chronique

Moscou ( 2005 )

Il ne manque décidément rien à Murat le troubadour. De disque en disque, l’artiste nous offre ce que la chanson française peut de plus noble, digne et raffiné. Intemporel, l’homme se revendique d’une ancestrale tradition musicale, dont il se fait le passeur.

Avec Jean-Louis Murat, chaque album est le renouvellement d’un jeu de séduction. On résiste d’abord, intrigué ou sceptique. On se dit : « Pas cette fois », pensant que l’œuvre précédente était meilleure. Mais c’est un leurre. Et l’on succombe, on se livre à Murat l’amant, à sa pop capiteuse et sophistiquée. Toujours le même homme, mais d’autres appas. Toujours ce même amoureux de l’amour, barde des désirs — mais avec quelque chose de neuf, d’envoûtant.

Le disque s’ouvre avec La fille du capitaine, référence à la dernière œuvre écrite par Pouchkine. Titre par lequel Murat l’enchanteur démontre à nouveau son art de commencer un album avec brio [1]. La majesté et la minutie de l’orchestration rappellent quelque peu Gérard Manset, autre génie de la musique populaire française, qu’admire Murat.
Sur Moscou, c’est encore une fois pluriel que l’homme se livre. Les thèmes traditionnels de la geste muratienne sont bien présents. Et à leur diversité, fait écho celle des compositions. Une amour hédoniste passée accompagnée par une country-pop entraînante, insouciante (L’amour et les Etats-Unis, délicieux duo avec Camille). Une mélopée muratienne (Et le désert avance), évocation de l’angoisse de la mort : « Oh Dieu des poussières / Voilà donc le destin / ... Et le désert avance ». Une pièce langoureuse et sensuelle (La fille du capitaine), autre variation ronsardienne (souvenons-nous de Bang Bang, sur Mustango), où s’entremêlent les thèmes à lui si chers de l’amour, de l’érotisme et de l’épicurisme. Thèmes que Murat le jouisseur développe encore sur Oh my love (« Vive la petite mort ») ou sur le duo pop avec Carla Bruni, Ce que tu désires.
Sur cet album encore, des airs délicieusement entêtants, des mélodies que l’on a plaisir à siffler. Alors, par ses mélodies, Murat le séducteur hante votre quotidien.

Le pont des Arts

Murat l’esthète tient une place unique dans l’univers musical français, notamment en ce qu’il se pose en passeur, en perpétuateur d’une tradition ancienne.  Grand amoureux des traditions — artistiques, culinaires ou artisanales —, l’artiste s’affirme le descendant d’une longue lignée de poètes-chanteurs, et notamment des troubadours. Et ce n’est pas un hasard s’il reconnaît, dans quelques interviews, un amour pour les troubadours et la poésie médiévale.
Tenant d’Orphée — poète et musicien au « luth étoilé » (La fille du capitaine) —, Murat est intemporel, n’a pas de frontière. Poète, il se situe entre traditions médiévales (troubadours, poésie courtoise), épicurisme ronsardien, spleen baudelairien et poésie contemporaine (par le travail sur la langue et par l’hermétisme aussi). Musicien, il se situe à la confluence d’une chanson française résolument poétique et d’un rock aux influences anglo-saxonnes nettes (Neil Young, trip-hop ; collaborations avec Calexico et des membres de Elysian Fields, Tindersticks, etc.).

Et il confirme l’indissociabilité de la poésie et de la musique, par ses textes ou par des interprétations. Il avait déjà adapté Baudelaire (Réversibilité sur Dolorès) et Madame Deshoulières (album homonyme). Sur 1829, paru tout récemment (ainsi que sur trois titres de Moscou»), il a mis le poète et chansonnier du XIXe siècle Bérenger, en musique. En Bérenger, il a trouvé un compère, un aïeul dont les poèmes étaient aussi des chansons populaires, auquel il rend hommage.

Murat, par ses œuvres dresse continuellement un pont entre les arts : songeons aux light-shows de la tournée Muragostang, aux samples de films sur l’album du même nom, aux poèmes mis en chanson, ainsi qu’à ses propres œuvres en tant que poète-compositeur ou en tant que peintre. L’artiste est un inlassable démiurge, forgeant des chansons dans une langue sans âge, avec un sens de la mélodie qui doit autant à la comptine qu’à réel amour du rock.

[1] Souvenons-nous de Fort Alamo (Dolor

A écouter : La fille du capitaine, Le d