Jay Munly
Americana / Gothic Folk

Munly & The Lee Lewis Harlots
Chronique
Jay Munly, une gueule cassée et une musique à son image: tordue. Un canadien atypique du coin du chapeau au bout de la bottine, exilé du coté de Denver, qui aurait remonté 16 Horsepower à la source, puisé le meilleur de ses inspirations Americana désertiques, solennelles et enfiévrées. Peu peuvent se le permettre, surtout en y retranchant l'aspect pieu qui pouvait sublimer Edwards et ses compositions. Oser et réussir, en sus, le croisement avec une douce folie protéiforme un brin schizo telle que la développe aujourd'hui un individu bien connu en ces pages et une énergie qui n'aurait rien à envier à la scène gypsy/folk/punk (tapez large, de The Pogues à Gogol Bordello) avec un aspect tragique inédit très Nick Cave-ien relève probablement quelque peu du génie. Munly and the Lee Lewis Harlots est un disque sur la brèche, multiple et intrigant, doté d'une ame propre. Celle que lui insuffle le personnage - car il en est un - Jay Munly renommé pour l'occasion Munly, Munly et sa bande de musiciens virtuoses.
Loin, très loin de la candeur de la folk lambda, ce disque est tiraillé entre ses envies de s'embraser tout en éclats de voix et de cordes, de mettre la joie et de raconter humblement ses héros. Les autres. Ceux dont on ne parle pas, ceux de l'autre Amérique: la sienne. Celle du quotidien et de l'anonymat, multiple, complexe, dure, maintes fois tue mais O combien vivante et, en fin de compte, réelle. Munly and the Lee Lewis Harlots au moment d'évoquer le pays d'adoption de son conteur refuse de choisir un camp, ne préférant pas à l'apitoiement la béatitude niaise.
Jay Munly enfante donc un disque festif et sombre: profond, habité mais entraînant comme peu. De ceux qui arrachent des larmes comme ils font transpirer les corps et éclaircissent les visages tout en faisant, dans le même temps, fonctionner la tête à bloc. De ceux qui vont voguer sur toute l'étendue du spectre musical US s'étendant de l'americana pure au rock alternatif, allant même jusqu'à chatouiller les crooners à l'ancienne (Of silas fauntleroy's willingness to influence the panel) ou encore les ovnis de The Gun Club tout en se le réappropriant pour le ressortir sous une forme inédite. "Gothic Folk", "Alternative Americana"... lit-on ici et là. Pourquoi pas. Ne serait-ce que pour la profondeur d'ambiance et la diversité amenée au genre. Mais l'essentiel est de toute manière bien plus dans le contenu que sur l'étiquette. Ces moments de grâce qui traînent leurs basques aux environs de chants portés en choeur, à un, deux, trois voire bien plus (The denver boot redux), ces apparitions vocales des filles des Lee Lewis Harlots qui apportent à l'album une touche de sensualité aussi discrète que providentielle et ces mille autres petits détails sont un émerveillement permanent. Puis il y a ces scènes contées, quasi jouées, que l'on devinerait sans peine prendre forme devant nos yeux. Munly and the Lee Lewis Harlots est un disque dont on pourrait presque palper l’essence. Une œuvre qui se dévore tout entière, propose plusieurs niveaux d'écoute, poussant sans cesse, l'air de rien, à prolonger l'expérience.
Et à s'y plonger toujours d'avantage.
Munly & the Lee Lewis Harlots est intégralement en écoute sur Spotify.