Ingrina

Post-Rock / Post-Hardcore / Post-Metal / Doom

France

Siste Lys

2020
Type : Album (LP)
Tracklist
01. Jailers
02. Walls
03. Casual
04. Stolidity
05. Now
06. Frozen

Chronique

par Tang

Il y a deux ans Ingrina nous suggérait ce qui se trouve « après la lumière » (du norvégien Etter Lys), le sextet déployant deux batteries et trois guitares pour articuler une masse à la fois organique et glacée, fondant sur nos âmes tétanisées par la puissance et l’ampleur du machin. Depuis la créature a fait son chemin, éclaté moult visages en direct via son alliage Post-plein de trucs taillé à flanc de montagne, et nous revient étonnamment vite avec ce Siste Lys sous le bras (doté d'un visuel fou signé Synckop), que l’on peut considérer comme une continuité - ou à l’inverse une préquelle - du récit couché sur Etter Lys, sauf qu’il s’agit cette fois de l’ultime lumière, avant peut-être de sombrer définitivement dans le trou noir de nos espérances.

Là où le précédent narrait un véritable parcours de la combattante au sein d’un environnement hostile et tortueux, Siste Lys adopte des atmosphères lestées de plomb, chatouillant parfois le Space-Rock afin de nous extraire des marécages, prendre dans un premier temps quelque distance avec le néant. Une forme d’évasion intérieure surnaturelle qui retombera fatalement dans la vase d’un cauchemar bien réel.

Malgré son caractère plus aérien ce deuxième album est bien plus court que son aîné. Néanmoins l’écriture demeure belle et juste, et on peut même parler de réécriture pour trois titres sur six, puisque Casual, Stolidity et Frozen étaient déjà présents sur le EP sorti avant Etter Lys. Le décor ainsi planté on observe, à travers les meurtrières de nos oreilles, la vie s’inscrire et subsister dans les consciences, délaissant les corps figés d’un monde éternellement gelé. La voix s’exprime davantage, confinée entre les murs d’une prison cérébrale infectée, laissant échapper une folie grandissante, faussement extatique, cernée de frappes doublées ou laissée ponctuellement à l’abandon comme peuvent l’être quelques notes de guitare en suspension. Les plus de dix minutes de Jailers illustrent avec une profonde pertinence ces pulsions de vie, qui s’éteignent au fond d’une cave et resurgissent doucement pour s’entrechoquer contre les pierres denses de Walls.

Après un bref Casual revisité par de plus sombres desseins, Stolidity vient occuper nos espaces internes à grand renforts de mélodies élevées dans le sublime, qui tendent vers la dissonance, plus ou moins masquées d’une lourde basse, grignotées par des roulements martiaux. Le chant lointain, désabusé, tente alors de survivre, de briser ses chaînes au milieu d’un magma mental encore un peu plus pénétrant (Now), pour finir pétrifié puis réduit en cristaux de lumière aveuglante, concassés sous les derniers coups de massue d’une mémoire à l’agonie, piégée dans la glace perpétuelle (Frozen).

Ingrina propose avec Siste Lys une narration forcément proche d’Etter Lys, complétant, revisitant et allégeant sensiblement une écriture métaphorique toujours limpide, au sein d’un univers en proie à la paralysie du vivant, dans un cadre introspectif qui intègre une conception intense de la folie. Les consciences se trouvent alors prisonnières du passé, les rêves se transformant peu à peu en réalité cauchemardesque. Du très bel ouvrage, dont le rendu malheureusement inégal nous empêche toutefois de le hisser au niveau de son prédécesseur.

16

Lumineux Bandcamp.

Les critiques des lecteurs

Moyenne 15.88
Avis 4
Lrmo-ceres January 27, 2021 23:04
Un univers puissant, brumeux, intense et épique, dans lequel on se plonge sans hésiter, très bon moment !
16 / 20