Ingrina

Post-Rock / Post-Hardcore / Post-Metal / Doom

France

Etter Lys

2018
Type : Album (LP)
Tracklist
01. Black Hole
02. Fluent
03. Coil
04. Resilience
05. Leeway
06. Surrender

Chronique

par Tang

Jeune formation signée conjointement par Tokyo Jupiter (pour le compact disque), A Tant Rêver Du Roi (pour le vinyl) et Ideal Crash (pour la cassette), Ingrina déploie ses tentacules sur l’ensemble des supports existants avec Etter Lys, premier album multi-couches majoritairement instrumental, déambulant aussi bien sur le fil du post-rock/hardcore/metal que les pieds dans le sludge terreux.

Outre la présence d’ex-LD.Khart et Uns, le sextet est composé de trois guitares et deux batteries, chose peu commune susceptible d’évoquer certains travaux de Breach et d’Isis ou ceux plus confidentiels de The Lumberjack Feedback. Mais on le sentait déjà dans notre chair à l’écoute du premier format court éponyme, à travers le titre phare Stolidity en particulier. Ces guitares à la fois stellaires et denses qui s’envoient des signaux comme le feraient les mammifères marins, ce double set de batterie qui n’a rien à envier aux "classic" Melvins, cette voix écorchée, lointaine, ensevelie sous le flux instrumental continuellement mouvant, que d’éléments caractérisés, assemblés pour imaginer ce qu’il y a "après la lumière" ("etter lys" en Norvégien donc). 

Manifestement Ingrina a bûché sévère sur le dossier, affichant dès le Black Hole d’ouverture un boulot d’écriture dantesque, notamment des cordes omniprésentes, qu’elles soient épaisses et bruiteuses ou furtives, allongeant leurs notes en arrière-plan, elles menacent d’exploser, d’envahir l’espace à tout moment et d’y inséminer le dosage mélodique idéal. Après la lumière personne n’est à l’abri des lignes de basse plus ou moins discrètes, entretenant une certaine couche de gras, de l’entente cordiale et synchrone entre deux frappeurs totalement possédés par leur sujet, aussi bien dans la vélocité que la subtilité parfois presque jazzy des mouvements. Les dix minutes de Fluent sont la première expression pleine et entière de la multiplicité du sextet, associant toutes les personnalités d’Ingrina avec dame maestria. 

Et puis Etter Lys va crescendo : Coil exploite les derniers vestiges de lumière par les vocalises, fait valser les baguettes sur les fûts, toujours porté par l’écho des cordes en filigrane. Le bien nommé Resilience nous invite alors à lâcher prise, que le délicat synthé d’intro s’empare de nos idées noires, que les vagues de guitares les emmènent au fond de l’abysse, broyées par la pression des courants, infligée par un Leeway salvateur, où le chant vient arracher un instant de liberté avec les dents. Enfin l’ultime étape de cette odyssée post-liminale dépasse définitivement la lumière de nos perceptions, Surrender accepte et lâche les chevaux des cavaliers de l’apocalypse inversée, terminant leur course au centre de l’univers, entre l’espace et la terre, paisibles à l'infini.

Avec ce premier long format et une personnalité (multiple) déjà profondément affirmée Ingrina tape tout de suite dans le haut du panier européen, si ce n’est mondial, ou même intergalactique. Etter Lys est ambitieux, vivant, épique, habité par les protagonistes qui l’animent, donnant naissance à une forme d’inconnu.e que l'on aimerait voir se renouveler ad vitam aeternam.

17

Après le Bandcamp.

Les critiques des lecteurs

Moyenne 17
Avis 3