Après un excellent Abyssal Gods, surprenant d'ambiance et de
brutalité, sorti il y a trois ans, voici poindre son successeur Vile Luxury.
Acclamé par la critique, les New-Yorkais ont-ils su rebondir et qu'ont-ils de
nouveau à proposer ?
Pour commencer, le groupe a opté pour toute sa partie
visuelle sur l'or. Nouveau logo qui offre des allures de cinéma de la première
moitié du XXe Siècle. Une jaquette plutôt énigmatique, à la fois dorée, et donc
dans l'imaginaire riche, et décadent de par la posture du personnage féminin
vaguement christique, ses ailes percées de flèches, son crane rasé, ses chaires
tantôt putréfiées, tantôt comme si elles étaient couvertes d'une carapace
dorée, et le tout comme empêtrée dans une sorte de chose abstraite potentiellement
vivante ou non. Jolie métaphore qui prend son sens lorsque l'on s'attarde un
peu sur la musique et les paroles.
Quand il s'agit de trouver des inspirations à Vile Luxury, il sera plutôt juste de se référer à Gorguts dans l'aspect erratique d'aborder
la composition et quelque part également dans ces longues notes glissées à la guitare,
Blut Aus Nord dans une certaine dimension de décadence morbide que l'on trouve
présente en quasi permanence. Une grosse influence jazz est également présente,
mais ne n'étant pas pointu dans le domaine je ne saurai donner une référence
valable. Et enfin, quelque part, sûrement dans l'ambiance oppressante, du Prokofiev, ni plus ni moins. Et a en juger par les racines du groupe qui
étaient plus axées sur du classique, il ne m'étonnerait guère que ce fut le but
recherché depuis le début : Mêler black, death expérimental et ce compositeur
de musique dite classique mais qui a surtout œuvré dans le flamboyant et
l'oppressant.
Et justement quand il s'agit d'oppression, nous avons en
Imperial Triumphant les nouveaux maîtres incontestés du genre. Les trompettes
et guitares dissonent autant les unes que les autres et installent cette
atmosphère de malaise alors que le reste de la musique n'a qu'un seul but, vous
faire vous sentir contrit. La voix désincarnée, les longs passages haletants, les
cris d'effroi, tout y est. Mentions particulières à Swarming Opulence qui nous
envoie moisir au fond d'une cave dès les premiers instants, Gotham Luxe pour ses
riffs qui soufflent la souffrance et le marasme. Mais s'il ne fallait retenir
qu'un titre ça serait Chernobyl Blues,
sa longue errance, sa montée en puissance, la haine qui se dégage de ce
morceau, et cette tension de tous les instants qui n'en finit plus et n'en
finit plus.
Dans l'ensemble de Vile Luxury en plus de l'oppression
permanente, le jazz a une place prépondérante également. C'est peut être ça
d'ailleurs qui donne un aspect résolument rétro, une sorte de classe magistrale
démesurée et démonstrative qu'avaient les disques d'autrefois, cette fois ci
tourné de manière décadente comme évoqué précédemment. C'est comme si un fantôme
de jazz était venu hanter un album de black jusqu'à complètement prendre
possession de son âme. Et on observe une évolution tout au long de l'album. D'abord
plus metal, on glisse au fur et à mesure dans le jazz expérimental, preuve que
l'emprise est de plus en plus grande. Et cette possession est à nouveau un
parallèle sur le message réel que véhicule ce troisième opus d'Imperial
Triumphant.
La richesse et la décadence, l'oppression, la démesure, tout
ce vil luxe cité en titre de l'album et qui est ici décrié. Cette dichotomie
entre l extrême richesse opulente et la terrible pauvreté, la réussite et les
sacrifices qu'on y a laissé, les apparences que ce système veut se donner et le
vrai visage qu'il souhaite dissimuler. Ainsi la décadence ici montrée est celle
de notre société qui tourne en rond, la violence de la machine inégalitaire qui
broie impitoyablement tout, et pour finir l'horreur que les hommes se font les
uns aux autres en mettant le masque du système pour pouvoir continuer à se
regarder dans le miroir.
Plus axé expérimental, plus dénonciateur, plus, froid, plus
haineux, c'est dans cette voie qu'à choisi de s'orienter Imperial Triumphant et
c'est une réussite. Certes on ne peut pas se passer Vile Luxury en boucle sous
peine de perdre quelques points de santé mentale, mais c'est clairement un
album à découvrir.
On vous propose d'approfondir les thèmes de Vile Luxury dans ce dossier qui décortique les influences de l'album.
A écouter : Swarming Opulence, Gotham Luxe, Chernobyl Blues