Depuis quelques années, la scène anglaise connait un renouveau post-rock inspiré qui voit l'émergence de petites pousses appelées à prendre racine dans le paysage instrumental. Citons, entre autres, The Strange Death of Liberal England (MySpace), Yndi Halda (MySpace), The Pirate Ship Quintet (MySpace) en têtes de gondole. Maybeshewill et Her Name Is Calla, tous deux de Leicester, font également partie de cette génération bercée au son de Mogwai et Talk Talk, leurs aînés de quelques albums.
En guise de points communs, les deux groupes ont sorti leur premier long cette année, chacun apportant à sa manière un entrain et une fraicheur pleins de promesses : Not for Want of Trying de Maybeshewill lorgnait plutôt du côté de 65daysofstatic, le côté mathy en moins, mélangeant aux saturations endiablées des passages plus ambient, samples et piano de rigueur pour un résultat casse-cou mais globalement satisfaisant. La sauce est ici rallongée avec les deux premiers titres servis par le groupe qui ouvre le bal, This Time Last Year démarrant sur les chapeaux de roue, la carrosserie métallisée et le pied sur l'accélération. Selon un virage bien connu, le tempo ralentit pour laisser place à l'interlude electro qui précèdera la dernière ligne droite. Convenu, et ce n'est pas le sample final qui le démentira. Malgré tout, Msw met du coeur à l'ouvrage, soigne sa devanture et arrive à se faire séduisant, plus convaincant au moment le plus lourd lorsque se répondent piano et guitares, chat et souris, préférant un vrai jeu de fuite au dialogue.
Condor & River, unique morceau de plus de 16 minutes aux pistes multiples, se faisait déjà entendre l'an dernier sur un 7", aujourd'hui épuisé. L'occasion est trop belle de contempler une nouvelle fois la montagne aux multiples sommets grâce à ce split. The Heritage, sorti plus tôt cette année, avait définitivement fini de célébrer les espoirs misés sur Her Name Is Calla (voir plus bas sur cette page). A lui tout seul, Condor & River, par son orchestration, sa composition, son ambiance est un monument du post-rock des temps modernes. Un monument qui se forge sur les vestiges de Godspeed You! Black Emperor (who else?), prenant son temps pour s'ériger - quelques guitares noisy, un rythme lancinant. La structure est familière, la frénétique montée des 5:20 et l'explosion qui s'ensuit impressionnent, renversent la montagne gravie et les notes s'envolent à dos de rapace.
Le morceau ne fait pourtant que commencer. Après l'envol, la plongée. Pianesque. Quelques notes suffisent. Et une voix, en écho. On invoquait Shearwater dans une précédente chronique, c'est ici le fantôme de Mark Hollis (Talk Talk) qui revient, prend au coeur, lamentations cuivrées et piano mélancolique en accompagnement.
Jouant un post-rock qui ne se suffit pas et qui n'est jamais plus éclatant que lorsqu'il est en proie à la tourmente, les membres de Her Name Is Calla se révèlent à eux-mêmes et au monde. Un souffle peu commun les entoure...
A écouter : Condor & River