La France, l’autre pays du death metal? Cela se pourrait bien ! Portées par des formations qui réussissent à se faire un nom en outremer comme Gojira, Benighted ou Aborted, les combos francophones ont le vent en poupe. Le groupe Henker (bourreau en allemand) fait partie de celles-ci, et compte bien se frayer un chemin parmi la scène grouillante et très active que recèle l’hexagone.
Se frayer un chemin, c’est peu dire quand on écoute la première fois Henker. Formé en 2003 à Paris, le groupe a tout de même mis cinq ans à pondre sa première galette, après une démo en 2005. Et on comprend pourquoi : après des dizaines et des dizaines de concerts, les p’tits gars ont pris le temps de peaufiner à fond leurs compos pour les rendre à la fois agressives, efficaces, et surtout digestes et mémorisables. Pour un premier essai, ça sonne vraiment pro, particulièrement pour de l’autoproduit.
De la première piste à la dernière, Slave Of My Art bastonne sec. La plupart des pistes sont ultra-rapides et techniques, le tout sans être rébarbatives pour un sou. Les musiciens mettent ici leur talent au service d’une efficacité maximale, qui en devient presque jouissive. Le chanteur a choisi de rester dans du death assez grave, et sa prestation en terme rythmique est vraiment impressionnante, d’autant plus qu’il la reproduit parfaitement en live. Le batteur a quant à lui décidé de s’équiper non pas d’une double, mais d’une quadruple pédale (!), et vous la sentirez passer, croyez-moi. Les deux gratteux évoluent constamment ensemble, et se prêtent volontiers le « lead » et la rythmique comme si de rien n’était. Enfin, la basse sait elle aussi se faire entendre dans le tumulte régnant.
Attention cependant : si individuellement les titres sont réfléchis et bien dissociables les uns des autres, le disque a tendance à s’épuiser vers la fin, et ce malgré l’inventivité et la polyvalence dont ont fait preuve le groupe pour nous garder éveillés. Parmi ces éléments, on retiendra par exemple les touches hardcore sur No Turning Back et Joy To Kill, les riffs entêtants de Bloody Sword, le rythme syncopé façon deathcore de Chaotic System, le break barbare sur Executioner, ou encore le pont presque mélodique de I Break Your Bones.
On note aussi la volonté du groupe d’instaurer une ambiance à son opus. Une ambiance guerrière, façon « seul contre le reste du monde ». Une ambiance old school soutenue par des incrustations d’extraits de films japonais qui feront la transition entre plusieurs titres afin de laisser respirer l’auditeur. Ces thèmes collent parfaitement à la pochette de l’album, elle aussi tapant dans le old school: le dessin coloré main d’un crâne orné de vêtements de guerrier samouraï. Il convient de dire que le combo ne tape pas dans le bas-de-gamme quand il s’agit de choisir ses influences. On retrouve avec grand plaisir des éléments des ténors du genre brutal death metal, en vrac Origin (sur Slave Of My Art), Cannibal Corpse (sur Mental Corruption), Job For A Cowboy, Dying Fetus, j’en passe et des meilleures. Henker ne s’en cache pas, au contraire. Il exhibe fièrement la marque au fer rouge qu’ont laissés ces groupes, et tire profit un maximum des œuvres de ses pères spirituels. Autant dire efficacité maximale pour un moment de pure folie en concert. On trouverait même justifié que les gaillards se retrouvent un jour en première partie d’un des groupes cités plus haut.
On le sentait venir à plein nez après l’écoute de leur EP. Henker a la rage au ventre, et l’opus qu’ils ont produit sera leur intermédiaire pour la jeter en pleine tronche à qui veut bien l’entendre (ou pas d’ailleurs).
A écouter : Slave Of My Art, Bloody Sword, No Turning Back, Chaotic System