Heimatlos
Punk Hardcore

La seconde nécessaire 1983-1988
Chronique
La dernière cassette de Heimatlos ayant péri dans les rouages carnassiers d'un lecteur dépourvu de pitié, ne nous restaient plus que les yeux pour pleurer et le lointain souvenir de "Toddellisuutta" dont nous sifflerions les entêtantes ritournelles en attendant qu'une âme charitable veuille bien les rééditer. Prenant le taureau par les cornes, et refusant qu'un groupe de cette trempe ne tombe dans l'oubli, Ratbone ressortait, au mois de juin dernier, l'ensemble de son oeuvre sur un même support, La Seconde Nécessaire 1983-1988.
Quatre vingt-dix pistes, pas une de plus, pas une de moins, réparties sur deux disques, l'un présentant toutes les productions studios du groupe, l'autre proposant des prises live dont les concerts de Montreuil, en première partie de Broken Bones, et celui de Luwigshafen aux côtés de Razzia et de Kromozon 4. Si ce dernier n'offre, somme toute, qu'un interêt purement anecdotique, il en va bien évidemment autrement du premier. De la production la plus récente à la plus ancienne, il permet notamment de mesurer l'évolution de la formation parisienne, nous faisant regretter par la même occasion que l'histoire se soit terminée aussi vite.
Même si elles sont loins d'être concluantes, les premières démos permettent de cerner assez rapidement l'orientation musicale de Heimatlos. A l'origine amateurs de formations traditionnelles telles que Circle Jerks, Black Flag ou les Dead Kennedys, les parisiens optent très rapidement pour un style beaucoup plus radical en adéquation avec leur ambition de départ, pratiquer une musique aussi rapide qu'agressive. Ancrée sur une rythmique solide sur ses bases, basée sur le jeu de basse supersonique de Jean-Claude Jadoul et celui du batteur Serge Camagna, Heimatlos agite sa colère aux confins d'un hardcore rugueux, proche du fastcore de Ripcord, Heresy ou Siege et du d-beat anglais (Broken Bones, Discharge, Varukers) et suédois (Anti Cimex, Moderat Likvidation, Mob47). Les morceaux sont courts, sans concession, parfois approximatifs ("Alles Im K.", "Assisté"), mais l'enthousiasme, l'envie et le potentiel sont bien là.
Prenant de plus en plus d'assurance, Heimatlos durcit le ton et accélère même la cadence dès la sortie de Schlag!, tout premier ep du groupe, considéré comme une référence en la matière même outre Atlantique. Les titres deviennent de plus en plus brefs notamment en raison de leur exécution plus véloce - le titre "Schlag!" perd onze secondes entre sa première version et celle de la première démo - cette accélération augmentant l'impact et l'intensité d'un répertoire qui, désormais, n'a plus rien à envier aux cadors européens de l'époque, BGK, Negazione ou Raw Power.
Pourtant, si les rythmiques ultra rapides tournent toujours à plein régime ("N.B.C.", "English Settlement", "Cynodrom", "Negative Mental Obsession"), les sorties de De Vlag et de Negative Mental Obsession marquent, toutefois, un léger tournant dans la courte carrière de Heimatlos. Oeuvres véritablement les plus abouties des Apatrides, elles sont également moins rugueuses, mettant en avant un aspect de leur musique qui, bien qu'entraperçu sur les premiers jets du groupe, prend ici toute son ampleur. En effet, la qualité de Heimatlos ne réside pas uniquement dans ses capacités à jouer aussi vite que ses contemporains mais également dans le fait d'avoir amené son propre son, sa propre originalité par le biais de mélodies "slavisantes", donnant aux morceaux un côté "chant des partisans" rendant irrépressible l'envie de chanter le poing levé ("Partisan", "Todellisuutta", "Soldier").
Car c'est bien de celà qu'il s'agit. Du patronyme aux textes engagés en passant par la cover reprise du split De Vlag, extrait d'une photo effectuée par Gideon Mendel lors d'une émeute à Duduza (Afrique du Sud) en 1985, impossible d'échapper à l'aspect internationaliste qui sourd de tous côtés notamment dans la volonté d'utiliser plusieurs idiomes tels que le finnois, l'anglais, le russe, l'espagnol et, bien sûr, le français.
Précurseur du hardcore français, Heimatlos allait ouvrir une brèche dans laquelle allaient s'engouffrer MST, Flitox, Kromozom 4 et Hate Force, autres pionniers à l'existence tout aussi limitée dans le temps, tombés depuis dans l'oubli. Ratbone offre l'occasion aux plus jeunes de découvrir et aux anciens de se replonger dans l'oeuvre d'un groupe au caractère bien trempé et à la démarche unique, histoire également de montrer que le punk français des années 80 ne se réduisait pas uniquement à la scène dite Alternative des Bérurier Noir ou de Ludwig Von 88.
Télécharger : "Assisté", "Fascios Fora", "Alles Im K."
Le skeud est disponible chez Ratbone Records, c/o Luc Ardilouze, BP40011, 33023 Bordeaux cedex, France.
Excellentissime ce groupe. C'est délicieusement old school, speedé et mélodique, énergique et direct.
Un bon nombre de chansons sont de véritables perles Punk Hardcore, des hymnes irrésistibles... Y'a un feeling fou qui se dégage de ces compos et des textes, c'est totalement dingue! (raaah et cette basse galopante...