A l'écoute de From The Ground, son premier album, on se rend immédiatement compte de la douceur du foyer dans lequel a été bercée Heather Woods Broderick. Il s'en dégage une sénérité palpable, la chaleur du feu qui crépite dans l'âtre alors que la nuit, doucement, tombe au-dehors. Le confort de son introduction très múmienne (Something Other Than), à l'electronica enfantine est un témoignage de la douceur qui émane des compositions de la native de Portland.
Cordes douces, jamais extravagantes, notes légères au piano, claires et lumineuses, Heather Woods Broderick semble évoluer au milieu de la porcelaine qui rend fébrile chacun de ses morceaux. Il en ressort alors une simplicité qui évoque une atmosphère rassurante, en tout cas très familière pour qui a déjà jeté une oreille sur les travaux de son frère, Peter Broderick, qui a d'ailleurs mixé ce disque et en a composé certaines parties. Le résultat est en fait plus proche d'un Home que d'un Float, à savoir que la sensibilité folk prend le dessus (The Colors et sa guitare acoustique et résonnante accompagné par les voix cristallines de la fratrie), les nappes ambiantes se mettant alors au service des musiciens, supports lumineux pour les instruments plus "classiques" (piano, guitare, flûte, glockenspiel).
Et si la comparaison, voire l'assimilation à la discographie de Peter Broderick est facile (on reconnaît aisément la patte du violoniste tout au long de l'album), c'est sans compter le talent naturel de composition qui anime From The Ground. Qu'elle cristallise ses mélodies par sa voix innocente (Back Room) ou qu'elle laisse libre cours à ses rêveries au travers de pistes instrumentales (For Misty, pièce centrale qui évoque, 9 minutes durant, le travail d'un Matthew Cooper - Eluvium - avec ses notes de piano perdues et ses voix en coton; Left), Heather Woods Broderick semble naturellement guidée par le désir d'éthérifier ses créations. On sent, sans conteste, la base folk qui l'inspire (Wounded Bird) et, dans le même temps, cette volonté de l'épurer afin qu'elle lui échappe petit à petit. Il ne reste alors, aux oreilles de l'auditeur, qu'un sentiment évanescent proche (la familiarité des instruments) et inconnu à la fois (le voyage des violons, les nappes prolongées, le soupçon de folktronica).
La consistence et la richesse de ce premier album naissent donc de ce soin apporté aux sonorités et de la capacité qu'a cette multi-instrumentiste à façonner ses morceaux pour qu'ils résonnent doucement et durablement aux oreilles. Nul doute qu'elle a encore beaucoup de choses à raconter et, plus important, suffisamment d'imagination pour les mettre en musique. Le plaisir est dans les détails: une note qui traine ou le souffle du vent qui se faufile sous la porte et resplandit. C'est toute la qualité de Broderick d'en avoir saisi l'essence.
A écouter : For Misty - Left - Turned - The Colors