Headspace fait partie de ces groupes qui aiment se compliquer la tâche. Non content d’avoir formé un super-groupe, composé de musiciens très occupés, quand ces cinq-là se réunissent c’est pour écrire des titres complexes et techniques. Ceci explique probablement l’intervalle de quatre à cinq ans entre chaque sortie, mais franchement, il se pourrait aussi que ce soit les Britanniques qui nous laissent volontairement un répit. Car Headspace n’est pas facile pour l’auditeur non plus.
Le deuxième album des Anglais est en effet un peu effrayant, et on aura du mal à s’y repérer lors des premières écoutes. Les titres sont en effet variés et l’ensemble dure une heure et quart, il faudra donc s’y atteler plusieurs fois, au calme, avant de s’y retrouver. Et puisqu'on parle de pistes variées, on n’est pas loin du principal défaut de All That You Fear Is Gone : l’album est si diversifié qu’il manque parfois de cohésion. Je n’ai rien contre le Blues-Country du bayou, mais que fait Polluted Alcohol au milieu de ce disque ? La chanson est intéressante, mais déconnectée du reste. Idem pour le titre éponyme, qui marie rythmique tristounette au piano et guitare flamenca énervée, un contraste étrange à encaisser. Quant à The Element, on est en droit de se demander quel est le rôle de cet interlude tant il n’apporte rien à l’ensemble, à part peut-être une brève pause au milieu de l’opus.
Mais Headspace a aussi, bien sûr, ses qualités. Les talents de chaque membre ne sont plus à prouver, et tous démontrent encore une fois l'étendue de leurs capacités. La voix de Damian Wilson est toujours agréable et versatile, se plaçant facilement dans les aigus sans perdre en force. Les leads de guitares et de claviers savent se faire désirer, et sont efficaces lorsqu’ils trouvent leur place. En effet, All That You Fear Is Gone a beau être dur d’accès, il est loin d’être chiant. Les solos de quatorze minutes vous font grimacer et Dream Theater vous endort en une demi-chanson ? Headspace réussit à être clairement dans le Progressif pur jus, sans jamais chercher refuge dans le démonstratif ou l’instrumental. Les morceaux fonctionnent autrement, avec des changements de rythme bien pensés, ou des variations de gamme qui tiennent en haleine, des sons de claviers qui font soulever un sourcil interrogateur (à la fin de Your Life Will Change par exemple).
Le groupe propose deux titres aux proportions épiques, The Science Within Us et Secular Souls, tout deux dépassant la barre des dix minutes. Véritable cœur de l’album (même si Secular Souls est la dernière piste), ces deux titres prennent le temps de monter en intensité, et deviennent vite les titres les plus marquants de ATYFIG.
Les autres pistes, d’un format plus conventionnel, tentent de polir ces deux pavés, d’en adoucir les coins abrupts. Les brûlots que sont Semaphore ou Your Life Will Change préparent aux pièces de résistance, alors que Borders And Days, tout en Pop moelleuse, aide à s’en remettre. On en revient à la diversité de la galette, qui fait à la fois la force et la faiblesse de cet effort.
Headspace livre avec cet album un objet curieux, pas évident à cerner, mais qui mérite qu’on essaye de le comprendre. Quelque part entre génie qui arrive à vulgariser la musique savante, et influences loufoques qui déconstruisent allègrement l’ensemble, le cru 2016 a de quoi surprendre. A priori, on a quatre ans devant nous pour l’apprivoiser…
A écouter : Your Life Will Change, The Science Within Us, Secular Souls