Guerilla Poubelle

Punk Rock

France

La Nausée

2017
Type : Album (LP)
Labels : Guerilla Asso

Chronique

par Yul

Ça faisait pile 4 ans qu’on avait pas eu d’album studio de GxP (Amor Fati 2013), et on retrouve d’entrée de jeu les thèmes chers à la Guerilla (la liberté VS l’aliénation, le marxisme, l’existentialisme, la sape des stéréotypes de genre et autres mécanismes de dominations décortiqués), tout autant que ses thrènes (la nausée de l’ordinaire et les faces les plus sombres de la nature humaine). La pochette de l’album est une bergère isolée, avec son troupeau, peinte par Jean-François Millet en 1863, recadrée au carré pour l’occasion. Choix judicieux à plus d’un titre, quand on sait que le peintre fut l’un des premiers a représenter avec dignité et empathie les travailleurs de la terre. Ce n’est pas un révolutionnaire à proprement parler, mais il est du peuple.

Le titre de l’album (La Nausée) pointe un programme sartrien écrit en grand, au tableau noir. En 2008, c’était déjà cette équation qui était posée: « punk= existentialisme ». Intéressante filliation avec le devoir d’engagement moral du philosophe, qui a toujours rejeté tant les honneurs que toute forme de censure.
Le trio constitué de Till, Paul et Antho jouent dans pas moins de 10 groupes différents en cumulé. (Paul Péchenart joue aussi dans StygmateTomorrow MassacreBien à Toi et dans le projet solo de son père Paul Péchenart. Till Lemoine fait de la guitare dans Mon Autre Groupe et Maladroit. Anthony Sanchis fait également partie des groupes Intenable et Quitters et joue de la batterie, de la basse, de la guitare électrique et de la guitare acoustique dans son projet solo Mauvaise Pioche), c’est dire que les 13 chansons sont techniquement abouties.

Si on devait résumer l’album, musicalement parlant, c’est la prog de ces 5 dernières années du fameux Fest de Gainsville, avec la même sueur, la même rage, le même cœur à l’ouvrage, l’accent français en sus, saupoudré de « punk français » bien sûr.
« Je ne possède que mon corps » sonne tellement Off with their heads ou Dear Landlord, très pop punk rocailleux avec une ligne mélodique au chant, « Une bouteille a la mer » mixe ingénieusement des traits d’Against Me avec certaines balades des Flatliners (d’avantquandcetaitmieux). « En Marche » a des airs justes de Rancid (époque Indestructible) et « Identité Rigide » est la version 2017 de leur « Si Jamais » (2005) ou de « Tapis Roulant » (2008), dans laquelle on retrouve le même kiffe dès la première écoute. Gros coups de cœur pour « Le pour et le contre » (écrit par Jérémy Guichard, un ami de la bande) et « L’aventure de l’ordinaire » qui donnent une bonne idée de la synthèse de ce que peut écrire de meilleur Guerilla Poubelle aujourd’hui.
L’album parvient à convoquer avec un grande maturité (le mot est lâché) différentes stratégies de résistances et de redéfinition du paradigme masculin, avec un message pro-féministe, envisagé comme une entreprise de déconstruction des systèmes de dominations de tous ordres.
Peut-être que le mieux à faire en écoutant cet album, c’est de relire le programmatique La Nausée : « Le passé, c'est un luxe de propriétaire. Où donc conserverais-je le mien ? On ne met pas son passé dans sa poche ; il faut avoir une maison pour l'y ranger. Je ne possède que mon corps ; un homme tout seul, avec son seul corps, ne peut pas arrêter les souvenirs ; ils lui passent au travers. Je ne devrais pas me plaindre ; je n'ai voulu qu'être libre. »

Mais ce qui est peut-être le plus dingue c’est qu’à la fin de La Nausée, on y lit un surprenant plagiat par anticipation : « La nuit tombe. Au premier étage de l’hôtel Printania deux fenêtres viennent de s’éclairer. Le chantier de la Nouvelle Gare sent fortement le bois humide : demain il pleuvra sur Bouville. »

Demain il pleut. Ad nauseam.

15

*Prix du meilleur titre de titre de chanson « plus je connais les hommes, et plus j’aime les chiens »
*Prix pour la phrase plus vraie que nature dans « Golgotha » : « on gratte nos plaques d’eczema frénétiquement / Comme un tiquet de loto toujours perdant »
*Prix de la première occurrence du terme « thrènes » (du grec ancien « pousser de grands cris ») ; dans une chanson punk (Cf Je ne possède que mon corps).

Les critiques des lecteurs

Moyenne 6.25
Avis 1