Griftegård avait frappé très fort en 2007 avec la sortie de Psalmbok, démo deux titres qui, en plus d’avoir marqué les esprits, n’avait pas manqué d’intriguer de par ses références au peintre Gustave Doré et à Charles Taze Russell, fondateur de la secte des Témoins de Jehova.
Pour situer un peu, Griftegård joue un doom metal moderne en ce sens qu’il s’approche souvent du funeral doom sans pour autant délaisser les riffs purement doom, à l’image de ce qu’ont pu faire Warning ou Reverend Bizarre. On reste ainsi dans la droite lignée de la démo dont on retrouve le titre Charles Taze Russell en ouverture de l’album, dans une version retravaillée qui a beaucoup gagné en puissance, surtout au niveau du chant. Parlons-en d’ailleurs du chant, un atout majeur pour le groupe porté par cette voix claire pleine de réelles émotions, ce qui se fait de plus en plus rare de nos jours. Pour l’anecdote, il s’agit de la même voix que celle qui se cache derrière les metalleux de Bokor.
Néanmoins, la plus grande qualité de Griftegård reste d’avoir su produire quelque chose d’éminemment personnel et misant tout sur un thème pourtant largement éculé, à savoir la religion. Non pas qu’il s’agisse ici de white metal ; le groupe se concentre plutôt sur l’atmosphère sombre et sacrée qui émanerait d’une église millénaire et les méditations existentialistes qui en découleraient en usant de sons adéquats. Ainsi cloches et chœurs contribuent à merveille à cette ambiance pesante et intimiste, qui invite au recueillement et à la réflexion, dans une démarche qui peut évoquer Virgin Black. Le moment de grâce de ce disque est atteint sur Punishment and Ordeal, sorte d’explosion de puissance et de rage amère avec un break à fleur de peau, qui rappelle le meilleur de Reverend Bizarre, en mieux encore. Ce titre occulte même les autres compositions, parmi lesquelles on trouve pourtant de belles choses telles que Charles Taze Russell ou encore I Refuse these Ashes.
Cependant, ce disque n’est pas exempt de tout reproche, notamment quant au fait que sa seconde partie est bien moins marquante que la première, pour diverses raisons telles qu’un certain manque de puissance et quelques choix assez malvenus. Ainsi sur Noah’s Hands guitares et chant disparaissent, remplacés par des chœurs soutenus par un orgue monotone en un ensemble sans grand intérêt. On frôlerait même l’ennui si cela devait se prolonger, mais heureusement, Griftegård a évité de se planter comme l’a fait son grand frère Skepticism. De même, Drunk with Wormwood ne laissera pas un souvenir impérissable avec sa longue intro au chant presque parlé accompagné d’une simple guitare sèche suivie d’un retour à un schéma plus classique mais sans pour autant provoquer le même frisson du début de l’album. Pourtant l’ambiance presque sépulcrale ne faiblit jamais vraiment, ce qui sied à merveille au patronyme du groupe (‘cimetière’ en suédois ancien).
Globalement, ce Solemn, Sacred, Severe est une vraie réussite. Griftegård est parvenu à se forger une identité musicale propre dès son premier album, ce qui impose le respect, qui plus-est en jouant du doom. Ce disque aura définitivement marqué l’année 2009 en étant peut-être une des meilleures sorties du genre, loin, très loin devant le dernier Ahab, au hasard.
Tracklist: 01. Charles Taze Russell, 02. Punishment and Ordeal, 03. I Refuse these Ashes, 04. Noah's Hands, 05. The Mire, 06. Drunk with Wormwood.
A écouter : Charles Taze Russell, Punishment and Ordeal