Inspiré du destin tragique du (anti-)héros de La Métamorphose, Gregor Samsa est un miroir musical renvoyant à la célèbre nouvelle, là où la tristesse côtoie la solitude et la désolation.
"En se réveillant un matin après des rêves agités, Gregor Samsa se retrouva, dans son lit, métamorphosé en un monstrueux insecte". Dernier œuvre en date de la formation américaine, Rest est une évocation non dissimulée de ces "rêves agités" Kafkaïens, une traversée Post-Rock sondant dans le labyrinthe des songes la possibilité d’une autre réalité. Drapé dans un ensemble orchestrale substantiel, bercé par un florilège de violons ondulants, Gregor Samsa démontre à nouveau toute l’étendue de son talent, développant en neuf compositions évolutives, l’horizon flottant de son art, fragilement placé sur une corde tendue au dessus de l’abîme.
Désormais unie dans la vie, le couple King / Bennett s’y donne une nouvelle fois la réplique au milieu des envolées séraphiques, dans un dialogue qui relève du murmure céleste (Jeroen Van Aken, Abutting, Dismantling). Délaissant toute forme de brutalité, gardant l’équilibre précaire dans chacune de ses prises de parole, Gregor Samsa livre un message emplie de spleen, qui vient s'apposer délicatement sur la mélancolie des violons et du piano (Ain Leuh, Pseudonyms). Car contrairement à bons nombres de formations du genre, Gregor Samsa ajoute à la majesté de son propos, une parure vocale Indie qui multiplie les strates sonores et lui donne une grâce inouïe. Rest ne se contente donc pas de la simple montée Post-Rock basique, il explore les sens, joue avec ses propres vertiges, utilisant l’Electro pour gonfler sa partition dans un univers Shoegaze / Noise étourdissant (First Mile, Last Mile).
Légèrement moins axé sur l’émotion crue que lors des précédents efforts, parfois plus nébuleux (Company), Gregor Samsa utilise à présent des nouveaux ressorts (samples, clarinette, sonorités asiatiques) pour amplifier sa mue. Rappelant ainsi par sa luminosité / vulnérabilité l’esthétisme des films de Sofia Coppola (The Adolescent), Gregor Samsa détient désormais le pouvoir de rendre trouble la vérité tout en parvenant à dessiner un autre monde… par ses simples chuchotements.
"Que m'est-il arrivé ? pensa-t-il. Ce n'était pourtant pas un rêve".