Les Splits peuvent se révéler être d’excellentes surprises.
Bien que le sacro-saint LP soit le format roi pour qui veut se frotter à un groupe,
d’excellentes collaborations ont déjà vu le jour : synergie (dont Sunn
O))) est particulièrement friand) ou division des tâches (au hasard,
Emperor/Enslaved, Xasthur/Leviathan), le résultat s’avère parfois passionnant
et a le don de mettre l’eau à la bouche pour de futurs albums. Salivez-donc si
vous êtes amateur de Doom Sludge de bonne facture car cet ouvrage a sans doute
de quoi vous servir quelques bons riffs plombés comme il faut.
Sans se faire prier, Graves At Sea se jette dans la fosse
aux lions et nous y entraîne par la même occasion, tête baissée, prêt à
s’engluer dans la noirceur. De ses vocaux aigus glaçants et mortifères dignes
d’un Indian, contrebalancés par des échappées plus caverneuses, le quatuor
impressionne par sa dualité : massif lorsqu’il s’agit de faire cracher des
décibels aux amplis et de coucher une rythmique bien rentre-dedans, mais
malsain et sournois dans ces râles inhumains. Lourde de groove, l’instru quant
à elle bénéficie d’une touche presque « garage » habilement
dosée renforçant le grain rugueux du son de Graves At Sea. Loin d’être
délaissés, les musiciens apportent un soutien de taille aux froides vocalises à
coups de guitares saccadées
(« Betting On Black ») et de patterns de batterie variant au
fil des mouvements des tracks. Derrière ça, on sent un groupe rôdé, qui prouve
ses talents de composition sur un « Confession » qui laisse monter la
tension de manière habile et rafle par la même occasion le premier prix sur cet
EP cinq titres. Eh oui, qu’il est jouissif ce bridge où le guitariste seul nous gratifie d’une reprise du motif
principal, on retient son souffle quelques secondes à peine, et voilà que
l’entêtante routine se remet en marche. En seulement deux morceaux, le sombre
orchestre volerait presque la vedette à ses homologues de Caroline du Nord.
On en viendra peut-être à dire que Sourvein débarque comme
un cheveu sur la soupe tant le changement de voix surprend. Exit les cris
terrifiants et place à une sorte d’hybride entre Lemmy de Motorhead et Robert
Plant de Led Zeppelin. Un bien curieux mélange au ton parfois plaintif
(« Drifter ») ou plus énervé (« Follow The Light »), qui ne
dénature pas les racines Sludge de la formation que l’on ressent lors des soli
arrachés tant bien que mal à des guitares crasseuses. On oscille entre
psychédélisme et rudesse, et bien que l’on n’atteigne pas l’aura d’un Electric
Wizard, l’influence s’en fait sentir sur le morceau final, exploitant le riff
jusqu’à l’épuisement. Seule ombre au tableau : on regrettera peut-être cet
« Equinox » un peu mou et qui ne nous donne pas grand-chose
d’intéressant à se mettre sous la dent, mais rassurez-vous, rien de bien
méchant.
En définitive, nos deux groupes de Doomeux sauce ricaine
s’en sortent très bien, quasi ex-aequo à l’issue d’un combat où seul l’auditeur
se sera bien fait envoyer dans les cordes. Et c’est groggy que nous en
redemandons, après 27 (trop courtes) minutes prenantes du début à la fin qui
nous donneront la hargne nécessaire pour un second round, à nouveau plein de
sueur, de sang et de larmes.
A écouter : en entier