Après le buzz qu’a créé Process of a New Decline et les prestations live d’excellente qualité qu’ont fournis les Gorod ces dernières années, on imagine sans peine la pression qu’ont du se taper les Bordelais lors de la composition de leur nouvel album. Et encore plus quand on voit leur nom sur des affiches de plus en plus prestigieuses comme Benighted, Decapitated ou récemment Obscura. La recette du succès ? Un death metal qui sait allier technique, mélodie, groove imparable et surtout, cette « French touch » qui nous fait sentir que les zikos se font avant tout plaisir en composant. Ce côté convivial et zéro prise de tête, on le retrouve notamment dans des soirées comme le Unleash The Hostile Tour avec Benighted en tête d’affiche.
Enfin bref, trois ans se sont écoulés depuis l’explosion Process of a New Decline, l’utra-tube de la mort "Disavow your God" a été jouée des centaines de fois et Gorod profite d’une accalmie pour composer un nouvel album quelques mois après son EP Transcendance aux relents prog, voire expérimentaux. Il n’en fallut pas plus aux fans pour spéculer sur la tournure du nouvel album : virage à 180° ? Ou cet EP était-il juste un moyen de s’échapper de la routine ? Eh bien j’en connais qui vont être surpris ; et d’autres déçus. A Perfect Absolution n’est pas un un Process of a New Decline bis. Ne serait-ce que dans le visuel et la thématique, le changement est clairement visible. Le groupe est passé du concept futur / machinesque / Matrix / SF au passé historique d’une impératrice russe qui se venge de la mort de son époux. Un mot d'ailleurs sur le superbe artwork entre réalité et fantasy, aux couleurs chaudes et qui représente ladite impératrice, les yeux enflammés par la haine.
Première constatation et certainement celle qui fera la plus polémique : la technique n’est plus aussi “étalée” qu’avant. Au grand damn des adorateurs des longues fresques colorées et des riffs alambiqués typiques du groupe s’étirant à n’en plus finir, Gorod a levé le pied sur ce qui a fait sa renommée. Attention hein, on est toujours en présence d’une musique complexe qui demandera une bonne dizaine d’écoutes avant d’être totalement digérée. Mais malgré les soli toujours bien construits des morceaux ("Sailing to the Earth", Varangian Paradise" etc) et plusieurs passages rappelant ce qu’on aimait sur les opus antérieurs du groupe, dur dur pour les fans hardcore de technique de trouver leur compte. Même le pont en tapping de "Carved in the Wind" ne parvient pas à nous faire décoller tant il nous manque cette touche de folie, de “Gorod” en fin de compte. Aucun passage ne nous fout réellement la trique et c'est franchement dommage. On aura beau donner dix fois sa chance au CD, ça ne vient pas. Technique, mais convenu comparé aux dernières bombes du genre qu'ont par exemple lâché Obscura ou Spawn of Possession.
Mais alors, que reste-t-il à Gorod si on lui enlève sa technique ? Pas de réponse ? … Personne ? Oui, le monsieur là ?
“Bah eeeuh l’ANPE ?”
Eh bien non, la bonne réponse était “son groove” ! Et soyez avertis, le groupe n’y est pas allé de main morte sur les rythmes qui refilent le virus du “headbang”. De l’ouverture "Birds of Sulphur" aux riffs de "Elements and Spirit", "Carved in the Wind" et "Varangian Paradise", on en prend pour notre grade et on n’attend qu’une chose : voir ces titres en live. Car oui il faut bien le dire, A Perfect Absolution est taillé pour la scène, encore plus que les premiers albums.
Et quand les rythmes ne sont pas faits pour headbanger, c’est que c’est l’heure du pogo ! Comprendre que les blast beat et autres gros passages à la double pédale bien balaises répondent “ Présent ! “, mais pouvait-il en être autrement ? Gorod fait du death metal, et nous le rappelle volontiers. C’est donc avec plaisir qu’on se reçoit dans la tête les violentes "The Axe of God" et son refrain que ne manquera pas de scander la foule, le final "Tribute of Blood"... Final qui d'ailleurs nous laisse un peu sur notre faim quand on repense à "Almightys Murderer" présent sur le précédent album. Ici ça s'arrête sec et il n'y pas de rappel.
En parlant de death metal, les vocaux du nouveau chanteur, Julien, ne sont pas death metal. Le vocaliste propose en effet un chant moins typé death au profit d’une polyvalence somme toute bénéfique au groupe. Les critiques reprochaient à Gorod la monotonie de son chant et le groupe a su être à leur écoute. Julien pioche allègrement dans ses influences, ici Gojira, là Death, là encore death growl ou criard plus classique comme on a pu en entendre sur le dernier Outcast par exemple. Il se fait également plaisir avec quelques passages en chant “parlé” qui dynamisent l’ensemble (“There is only one... GOOOD!”). Il lui manque toutefois une profondeur pour réellement nous happer et achever de nous convaincre que la relève de Guillaume est assurée. Dommage car en live, le bonhomme se démène comme un diable.
De manière générale, les compositions ne sont pas tout à fait à la hauteur de nos espérances et bien que la production en béton armé fasse son petit effet à chaque écoute, on sent et on sait que le potentiel du groupe n'est pas exploité à fond. La deuxième partie du CD nous embarque dans des pistes qui dévoilent de nouvelles facettes du groupe, notamment l'ensoleillé "Varangian Paradise" et son break funky à la fois "wtf" et "woah génial" qui lorgnerait presque vers un Diablo Swing Orchestra.
La note peut sembler sévère mais elle reflète le sentiment mitigé qui ressort des écoutes de ce nouvel opus. Étrange sentiment : on insère volontiers le CD dans le lecteur, mais on ne prend pas autant son pied qu'on le souhaiterait. Une bonne surprise autant qu’une déception quelque peu amère qu'on ne souhaite pas vraiment regarder dans les yeux.
Du death tecnique et des titres tous aussi bons et originaux jusqu'à la fin funky de carved in the wind très surprenante. La prod met en avant la basse, qui est souvent trop discrète de nos jours alors chapeau!! Par contre, je peut seulement reprocher le son trop superficiel de la guitare qui donne souvent un impression de synthé...
Bref, cet album est tout de même a écouter pour les titres tous plus variés et technique les uns que les autres, mention spéciale a 5000 at the funeral, qui déchire sa race.