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Biographie
Carlo Gozzi (Basse), Stéphane Provencher (Batterie), Gary Chouinard (Guitare) et Luc Lemay (Guitare / Chant) fondent Gorguts en 1989 à Richmond au Québec et sortent tout de suite une première démo. Eric Giguere remplace ensuite Carlo à la basse pour l'enregistrement d'une seconde démo en 1990. Gary est remplacé par Sylvain Marcoux à la guitare et Gorguts sort son premier album, Considered Dead, chez R/C Records (anciennement Roadrunner Records) en 1991, puis The Erosion Of Sanity en 1993, deux albums de Death Metal technique qui feront date dans le genre avec notamment la participation de James Murphy (Death, Obituary, Testament) sur Inoculated Life et de Chris Barnes (Cannibal Corpse, Six Feet Under) sur Bodily Corrupted, Rottenatomy et Hematological Allergy. Après la sortie de The Erosion Of Sanity, Roadrunner Records laisse tomber le groupe, comme beaucoup d'autres de ses signatures Death Metal à l'époque. Ainsi, l'on pense à un split du groupe, mais Gorguts revient en 1998 avec un nouveau line-up et une orientation musicale encore plus ambitieuse. Luc Lemay, seul membre rescapé s'entoure de Steve Cloutier (Basse), de Patrick Robert (Batterie) et de Steeve Hurdle (Guitare). Obscura sort la même année chez Olympic Recordings proposant un Death Metal avant-gardiste pour le moins original. Daniel Mongrain remplace Steeve en 1999 et Steve MacDonald qui avait déjà été brièvement dans le groupe de 1993 à 1995, remplace Patrick. Gorguts enregistre alors From Wisdom To Hate en 2001 qui continue d'expérimenter sur certains points, mais revient également aux racines du combo.
La dépression de Steve MacDonald et son suicide en 2002 marquent le groupe durablement et amènent à son split en 2005. Steeve Hurdle et Luc Lemay se consacrent donc à Negativa qui peut être vu comme une site spirituelle de Gorguts. Un ep éponyme sort en 2006 avant que Luc ne réactive Gorguts en 2008 malgré les reproches de Steeve. Le musicien s'entoure cette fois-ci de Colin Marston (Basse - Krallice, Behold The Arctopus) et Kevin Hufnagel (Guitare - Vaura) et de John Longstreth (Batterie - Dying Fetus, Exhumed). En 2012, l'ancien guitariste Steeve Hurdle décède de complications liées à une opération. Il faudra plusieurs années au groupe canadien pour sortir en 2013 Colored Sands, un disque très abouti et exigeant qui parait chez Season Of Mist.
Le groupe le plus innovant du Death Metal moderne, aux côtés des Néo-Zélandais de Ulcerate, est de retour en 2016 avec un EP composé d'un titre unique à la durée de plus de 33 minutes, rappelant forcément la démarche de Meshuggah et Green Carnation ou, plus récemment, de Deathspell Omega.
Gorguts ne s'est jamais encombré de questions stylistiques lorsqu'il écrit une œuvre et le successeur du très réussi Colored Sands n'est en aucun cas une exception. Dans la pure lignée de celui-ci et du monolithique Obscura, véritable clé de voûte du Death Metal Expérimental (faute de meilleur terme), Pleiade's Dust nous offre avant tout un Metal Extrême riche, sombre et brutal. L'impression de puissance des quatre musiciens stupéfait (notamment lors de leur première entrée en scène au complet) : les blasts sont de véritables rouleaux compresseurs qui soutiennent les mélodies nébuleuses des guitares et de la basse, s'entremêlant dans un esprit rappelant surtout le travail d'un Don Caballero élevé à Morbid Angel et Incantation. La marque de fabrique de la formation n'a donc pas disparu, loin s'en faut.
Perdre l'auditeur au milieu d'une telle débauche de brutalité et de complexité aurait alors été aisé mais Gorguts accomplit l'exploit de proposer un titre intelligemment construit, reposant sur une dynamique impressionnante. L'empreinte de Colin Marston (Dysrhythmia, Krallice, Behold...The Arctopus), et dans son sillage celle d'autres genres musicaux se fait plus évidente désormais et plusieurs respirations sont ainsi incorporées à ce serpent géant qui ne se mord jamais la queue. Les musiciens jonglent ainsi entre la lourdeur du Post Metal, la délicatesse de l'Ambient et la folie du Metal Progressif avec brio pour amener plus aisément chaque thème et le laisser s'imposer.
Gorguts semble bien décidé à ne jamais enregistrer un seul morceau qui ne s'intègre pas à leur démarche artistique : livrer un Death Metal exigeant, technique, sombre et rempli d'influences diverses mais savamment incorporées à leurs compositions. Avec leurs compatriotes de Voivod, le quatuor de Luc Lemay est définitivement le groupe canadien de Metal le plus intéressant et novateur, un genre qu'il a d'ailleurs transcendé pour l'amener vers de nouveaux horizons, une fois encore.
A écouter : Comme tout ce que fait Gorguts
Gorguts est un survivant. Les québécois ont en effet dû affronter de nombreux changements de line-up, une éviction de Roadrunner, le suicide de Steve MacDonald et le décès de Steeve Hurdle… On pensait le groupe définitivement flingué après cette accumulation d’évènements négatifs. On avait tort.
Transcendés, plus ambitieux et puissants que jamais, les canadiens reviennent avec les arguments du désespoir. Colored Sands est un album dense, tortueux, gavé d’émotion, dangereusement épique aussi. Sur Le Toit du Monde, Gorguts offre une vue imprenable sur ce qui semble être une vaste étendue volcanique, accidentée, parsemée de minuscules corps inertes à moitié ensevelis. Une image qui se traduirait musicalement par des assauts de riffs nourris aux hormones, un ratio technique/feeling exemplaire venant d’un frappeur increvable, ainsi que des mélodies calées au poil de cul, parfois subtilement noyées dans l’afflux quasi-constant de violence régulièrement déconstruite. On pourrait sensément être à bout de souffle après environ une heure blindée de plans à s’en tordre les synapses, mais ce n’est pas le cas. Les Gorguts feraient de parfaits alchimistes, dosant leur rage nécessaire avec précision, diluée suffisamment au sein de chaque titre afin de l’exprimer aux bons moments. Il n’est de ce fait pas si rare de voir la tension baisser ponctuellement, pour laisser place aux râles mélodiques d’une guitare exténuée (Colored Sands, Absconders), ou à des violoncelles pour un tour de piste (The Battle Of Chamdo), ajoutant une certaine mélancolie cinématographique à l’ensemble. Transition idéale pour Enemies Of Compassion, la déflagration augmente alors en intensité et nettoie littéralement le paysage, de fond en comble.
Tandis que plus rien ne respire en surface, quelques rescapés finissent de se perdre dans le dédale de sable. La suite s’enfonce davantage dans les méandres d’un death-metal habité, mutant et terriblement efficace, inspiré autant par le jazz que la musique classique en termes de structures. Colored Sands est une œuvre unique, où l’investissement des musiciens se ressent à tous les étages. Les canadiens nous embarquent dans leur technicité virevoltante sans omettre de toucher l’auditeur dans sa chair, motivés par une détermination inébranlable. Gorguts a survécu, a vaincu, et a surpassé toute sa discographie héroïquement. Objet essentiel.
A écouter : seul sur le sable, les yeux dans l'eau.
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