Godflesh
Indus-metal

Post Self
01. Post Self
02. Parasite
03. No Body
04. Mirror Of Finite Light
05. Be God
06. The Cyclic End
07. Pre Self
08. Mortality Sorrow
09. In Your Shadow
10. The Infinite End
Chronique
Si elle est parfois injuste et cruelle, la vie peut aussi être généreuse, à l'image de la discographie du sieur Broadrick. Rendez-vous compte, il y a à peine 6 ans, nous nous faisions encore une raison : Godflesh ne sortirait plus de disque et Hymns serait le dernier d'une famille nombreuse et marquée par le génie. Nous n'avions forcément envie de nous plaindre, d'abord parce que les œuvres du duo, puis trio, étaient à n'en point douter des joyaux. Mais aussi parce que l'ancien Napalm Death y allait de ses apparitions à droite à gauche, en sus de son projet Jesu. Et puis, de son cottage dans les plaines du Pays de Galles, Broadrick a une fois encore électrifié le monde en annonçant des tournées. Puis des disques. Et voilà qu'en 2017, après un très bon EP et un album tous deux aussi valeureux que leurs confrères, le tandem infernal est de retour avec Post Self.
Un nouvel arrivé que le groupe a présenté comme le moins Metal de sa carrière, s'en allant plutôt voir du côté de chez Swans, du Post Punk et de la première vague de la musique industrielle. Une déclaration que l'on serait bien tenté de prendre à la rigolade dès les premières secondes du morceau titre. Énorme saturation sur les guitares, basse dégoulinante et anxiogène et groove industrialo-tribal, nous sommes en terrain connu. Et ce n'est pas la voix délicieusement traitée de Justin qui va nous faire oublier que Godflesh sait sortir de ses gonds comme personne. De fil en aiguille, on nous trompe et, tel un petit manipulateur, le duo joue avec nos nerfs tandis que les trois premiers titres sont, malgré quelques petites subtilités, du Godflesh pur et dur, assez traditionnel. Les choses se gâtent déjà sur "No Body" et sa boite à rythme aux sonorités manipulées, électrocutées et tabassées, rappelant sans grande surprise les sonorités que JK Flesh met en avant depuis une moitié de décennie.
Est ce à dire qu'ils n'avaient aucune parole, nos deux larrons, et que l'on peut oublier ce qu'ils déclaraient quelques jours avant la sortie de Post Self ? N'y comptez pas trop non plus car, une fois "No Body" passé, plus de retour en arrière. Oui, vous trouverez du Post Punk, de l'Industrial Music comme disent nos amis outre-Manche et de la Power Electronic. On pensera très fort à Whitehouse sur "Be God". On se remémorera le son de guitare tranchant de Foetus et les instincts DUB tribaux de Killing Joke sur "Mortality Sorrow". Et, puisque ce name dropping n'a que suffisamment duré, on sent également que la collaboration entre Broadrick et Prurient a été fertile en inspiration, notamment sur le morceau final.
Là où le bât aurait pu blesser, c'est bien plus dans l'exécution que dans les idées. Perdre Godflesh, comme il avait pu se perdre par le passé, personne ne le souhaitait. Grand bien lui en fasse, la figure du groupe a réussi à ne pas s'effacer face à ces influences impressionnantes. S'il est évident dès la première écoute que ce Post Self a une place à part, il est et restera avant tout marqué par cette boîte à rythmes infernale, les tissages sonores, à la guitare ou aux machines, de Broadrick ainsi que par la basse grondante de monsieur Green qui amènent immanquablement à se dire, dès les premières secondes de chaque morceau « C'est bien Godflesh ».
Il est présomptueux d'affirmer que le groupe a changé. Comment sonnera la prochaine offrande de nos démiurges mécaniques, nul n'est en mesure de le prévoir. En revanche, il est intéressant de noter que Post Self est mieux qu'un disque hommage, il est une réinterprétation par des musiciens avec une force de caractère intarissable d'une époque et d'un mouvement musical qu'ils ont pleinement vécu. Peut-être était ce là une façon de se venger de Hymns, d'une fin de première partie de carrière que Broadrick semble parfois regretter... On ne tirera pas de plan sur la comète, on ne fera aucun commentaire mais la question peut être soulevée. En revanche, il n'y en a aucune à se poser sur la nécessité d'aller écouter ce nouvel album.