Le Metalcore a la cote en ce moment, porté par des groupes comme Chimaira ou Killswitch Engage qui conjuguent habilement toute l'agressivité et la technicité des années 80 avec un chant emprunté au Hardcore ou au Death. God Forbid apporte une pierre de plus à l'édifice avec IV : Constitution of Treason, concept album glauque énoncé en trois articles : Twilight of Civilization, In The Darkest Hour et Devolution. Le thème central de l'album repose sur la déchéance du monde qui est représentée sur la pochette du disque par l'allégorie de la Statue de la Liberté tombant en ruines dans une ambiance des plus apocalyptiques.
Ce Constitution of Treason impressionne de par la qualité de ses compositions, fort bien agencées, et construites de façon incisive autour de rythmiques et de riffs Thrash à la The Haunted (Divinity, Under This Flag, Crycify Your Beliefs), Power à la Machine Head (The Lonely Dead, Into the Wasteland, To The Fallen Hero), ou bien Hardcore avec des coups de double pédale hachés, mais mesurés (Divinity, The End of the World). God Forbid a qui plus est mit un point d'honneur à introduire des mélodies particulièrement accrocheuses, que ce soit dans les soli que dans les passages purement instrumentaux comme sur la très bonne The Lonely Dead. Le quintet n'hésite pas à casser régulièrement le rythme avec des passages plus posés, voire acoustiques sur pas mal de morceaux, et ce que ce soit en plein milieu, qu'en début ou qu'en fin de chanson. Le rendu de ces passages à part est dans l'ensemble plutôt réussi grâce à un son clair très lourd, lent, définitivement sombre et pesant. Les transitions sont bien elles aussi foutues, entre ruptures nettes et changements de tons progressifs.
Bref, tout ça pour dire que les musiques se suivent et ne se ressemblent pas, et le tout avec une certaine cohérence. Les riffs biens gras sont là, et même si les soli sont loin d'un Rob Anorld (Chimaira), ils ont pour la plupart un sens, une place dans la musique, n'étant ainsi pas que figuratifs sous prétexte qu'une chanson doit comporter un solo. Les frères Coil ont signé là des parties de guitare intéressantes sur de nombreux points, même si elles rappelent forcément d'autres riffs, ce genre là ayant tendance à tourner en rond par moment...
Quoiqu'il en soit, leurs efforts sont soutenus par un Corey Pierce sachant modérer la double grosse caisse, utiliser les contre-temps et autres roulements quand il faut. Autre fait appréciable, la batterie n'a pas été mise par dessus tout le reste, n'écrasant ainsi pas guitares et basse. Cette dernière est d'ailleurs elle aussi bien efficace, et audible hors des parties acoustiques pour une fois, chose ô combien rare et appréciable pour un disque de cet acabit. Elle ne croule pas sous la déferlante de guitares et s'impose en tant qu'élément essentiel de la rythmique. Jason Suecof (Trivium) et Eric Rachel (Dillinger Escape Plan) ont produit ce disque de façon intelligente, n'en déplaise aux amateurs de martelage de grosse caisse.
Côté chant, aucune surprise, Byron Davis chante d'une façon caverneuse pleine de hargne, mais ce n'est pour autant que les amateurs de finesse devront passer leur chemin puisqu'on retrouve en parfait contraste avec Davis les frères Coil en choeurs, et ce sur plus d'un titre. Ces derniers chantent de façon claire, souvent mélancolique et en parfaite harmonie avec les passages languissants. Welcome to the Apocalypse en est certainement le meilleur exemple tant il ressort de cette chanson un profond désarroi, une douce torpeur mélancolique qui ne peut qu'émouvoir.
L'alternance entre ces deux types de chant sur des titres comme Divinity permet à l'auditeur de jongler avec les genres et les émotions. Attention tout de même, les puristes seront certainement déçus par la présence « excessive » de chant clair, car plus encore que sur Gone Forever, God Forbid ne fait plus du Metalcore bête et méchant et module désormais sa musique.
Avec ce nouvel album, God Forbid évolue et s'impose comme une valeur incontournable de la « New Wave of American Heavy Metal ». IV : Constitution of Treason est un disque d'une richesse et d'une complexité rare qui touchera un large public, amateurs de hurlements roques ou non, tant les musiques méritent qu'on y prête une oreille. God Forbid introduit de nouvelles sonorités avec efficience, même si elles pourront en dérouter plus d'un de par leur côté lénifiant.
A écouter : Chains of Humanity, Into the Wasteland, The Lonely Dead, Divinity, et To The Fallen Hero