Les « supergroups » n'ont pas toujours de quoi rendre très jouasse. Sur le papier, réunir des musiciens de talent dans leurs formations respectives pour un projet en commun, pourquoi pas, et on serait même en droit d'attendre quelque chose d'assez foufou. Dans les faits, on trouve de tout, allant de la synergie totale au résultat fade et décevant.
Allier des membres actifs et passés d'Alcest, Anorexia Nervosa, Peste Noire ou Diapsiquir a tout de même de quoi faire saliver un minimum le fan de Black hexagonal. Débarquant il y a trois ans de ça avec un 1994 qui posait les fondations d'une musique à rapprocher des Wolves In The Throne Room ou Deafheaven, Sur Les Falaises De Marbre vient réaffirmer cette tendance des Français. La formation persiste et signe un Black Metal au rythme soutenu, aux guitares constantes, prêtes à se fracasser sur une batterie véloce et appuyée. Pas de chant typique au genre en revanche, les vers de Glaciation sont déclamés par des cris puissants et plus rarement par le chant clair de Bodie (« Le Soleil Et L'Acier »). Ici, c'est la beauté qui prédomine, en dépit des éléments incontournables d'un style classifié extrême. La mélodie est reine et envahit l'esprit à grand renfort de riffs aériens, établissant des ponts avec des atmosphères Post-Rock, Shoegaze ou Post-Black. Violence et splendeur se tournent autour et ne font bien souvent qu'un, contribuant à se sublimer réciproquement.
Et le verbe de suivre, tout aussi emprunt de dualité. Glaciation poète des symboles et d'un imaginaire sombre, Glaciation conteur à demi-mot de batailles et de rancœurs. D'un désespoir général naissent ainsi des assauts sonores où les mots noirs se voient portés par une musique fougueuse et dense (« Les Fiancées Sont Froides »).
D'une manière générale le groupe brille de ses propres contrastes stylistiques, quitte à sonner plus accessible peut-être que sur 1994. Départ de Valnoir derrière le micro, influence plus présente d'un Black Atmosphérique qui efface peu à peu les inspirations 90's du précédent effort, un son qui évolue mais l'identité pourtant ne s'amenuise pas. Sur Les Falaises De Marbre est moins enragé, plus axé sur le ressenti, plus subtil peut-être que son aîné. Des titres comme « Kaputt » ou « Le Soleil Et L'Acier » n'hésitent pas à nous malmener mais ouvrent pareillement des voies lumineuses et inexplorées par le groupe jusqu'alors. Glaciation laisse son auditeur avec une fin d'album des plus enveloppantes, entre un « Cinq » exclusivement Ambient et l'ultime morceau éponyme, aux accents éminemment Alcestiens pour ses notes saveur spleen et des chœurs reconnaissables entre mille.
Fidèle à ses préceptes d'il y a trois ans, le groupe amorce pourtant d'ores et déjà quelques évolutions, que l'on se penche sur le line-up changeant, les thèmes, et la musique elle-même. Fruit du hasard ou volonté assumée, Glaciation se trouve à la croisée de genres émergents bénéficiant d'une certaine popularité à l'heure actuelle en France (Blackgaze, Post-Black), sans compter ses musiciens réputés. Espérons alors que ces artistes témoigneront encore une fois de leur sincérité lors de leur prochaine sortie et ne céderont pas à un opportunisme qui plane autour de tout « supergroup ».