C'est dans l'ombre que Gerda entaille les chairs et écrase de sa semelle boueuse et froide les aspirants noise à la langue toujours collée à la sainte trinité Shellac/Big Black/Rapeman. Gerda c'est autre chose. Ces mecs prennent l'alternative, avancent de l'aval vers l'amont et redonnent du sens aux mots Densité, Intensité et Révolte.
Le grain de leur musique possède cette touche unique, loin des éternels ainés, et la capacité rare d'enfanter de mélodies sous-terraines depuis une source monolithique autant que douloureuse. III propage de l'électricité dans chaque parcelle d'air et de matière, martyrisé par un chant blafard et éruptif qui émerge comme un souffle volcanique. Sous les nuages de cendres, le magma bouillonne et consume, ne laisse aucun répit et ne communique que noirceur, cauchemar et pure passion.
Taillés dans la même roche poisseuse et stratifiée à outrance, les 5 morceaux de ce 3ème album renouvellent le son des italiens à chaque instant. De l'entrée en matière extrême au possible ("1"), balafrée de guitares décharnées et d'une rythmique itérative tout à contretemps, Gerda débouche vers un delta où pointe le lyrisme des mélodies inventives et étincelantes autant qu'imparables ("2", "3"). Deux morceaux pour comprendre que Gerda ne joue pas, que Gerda (sur)vie, les trippes et les crocs à l'air, la rage pendue aux lèvres. Lorsque les gaziers lève un peu le pied, au cœur des 11 minutes de "4", c'est pour ramper dans un marécage souillé par la féraille et pour dispenser une atmosphère crue et maladive - que n'aurait pas reniée Neurosis - percé d'une mélodie sonique et d'une basse qui plombe le tout vers les abimes.
Des tas de groupes ne sont là que pour raconter une histoire. Tourmenté par ses démons, Gerda préfère écrire et hurler la sienne. Une histoire qui avance, qui pour aller d'un point A à un point B ne prend aucun détour ni ne fait machine arrière. Gerda avance, dans l'ombre, Gerda porte sa croix sur des chemins où se croisent barbelés rouillés et ronces épineuses. III est le genre de disque qui marque au fer rouge, tellement vrai et sincère qu'il vampirise l'esprit. Un gros pavé dans la mare et dans la gueule.
A écouter : 2 - 3 - 4