Intégrer la force mélodique et émotionnelle du violon à la rugosité et la promptitude du crust hardcore est une belle figure de style qui a déjà été tentée et réussie par une grasse poignée de formations. L'inusable Hanging On Rebellion de Remains Of The Day, ou plus récemment, les efforts remarqués et remarquables de Fall of Efrafa, en sont sans doute les preuves les plus marquantes.

Quant aux américains de Garmonbozia, leur particularité aura été de pousser la tendance dans ses retranchements. Allant bien plus loin qu'une utilisation par intermittence, Garmonbozia place le violon comme un instrument central. Façonneur des mélodies, fer de lance des assauts épiques illustrés par un visuel magnifique, tisserand d'une atmosphère teintée de désespoir et de rage contestataire, le violon habite chacun des morceaux. Chaque vibration de corde est une flèche décochée en plein cœur faisant de cet unique album un émetteur insatiable de nervosité et d'émotions spontanées.
Parallèlement à cette marque de fabrique, Garmonbozia applique les fondamentaux rude du crust/D-beat ; un aspect acre et radical maintenu à flot par une rythmique basique et puissante, puis répandu aux quatre vents par le chant singulier de Mariko. Un chant habité, tant par les paroles revendicatrices que par une agressivité toute particulière, prenante et poignante, matérialisée par des raclements de gorge sinistres et percutants. Garmonbozia parvient ainsi à faire le pont entre une émotion fragile et une violence teintée de nihilisme inhérente au crust hardcore, puis le lien entre les parties harmonieuses et les rixes lestées de plomb et de hargne.

Malgré les quelques passages typiquement crust/D-Beat à mi parcours un peu anecdotiques face aux déferlantes terriblement identitaires que sont "Ugly" ou "Breaking The Silence", ce disque éponyme sorti sur l'incontournable label Profane Existence, est une franche réussite alliant originalité, efficacité et sincérité.