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Biographie

Furia

Groupe de Black Metal Polonais, Furia voit le jour en 2003 à Katowice. Ce trio est composé de Michał "Nihil" Kuźniak au chant et à la guitare, de Kamil "Sars" Staszałek à la basse, de Przemysław "Voldtekt" à la guitare et de Grzegorz "Namtar" Kantor à la batterie. Plusieurs des membres du groupe sont impliqués dans MasseMord tandis que le chanteur Nihil officie également dans le projet post-Black Morowe.
Brute et froide le musique de Furia, parfois qualifiée de Nekroflok, aborde dans ses textes le nihilisme, la misanthropie et le paganisme. 



W Śnialni ( 2021 )

Si j'étais un peu plus radical (ou un peu moins consciencieux), la présente chronique aurait pu se limiter à une description très schématique des différentes étapes menant au moment présent :

1. Lecture de la news annonçant la sortie d'un nouvel EP de Furia
2. Visite du site du label pour voir s'il reste des versions limitées du vinyle (réflexe pavlovien qui relève d’un autre débat…)
3. Lancement de l'écoute de W Śnialni
4. Circonspection
5. Consternation

Pour ceux que cela n'a pas découragé, la version longue :

C'est peu dire que pendant un bon moment, malgré ce qui nous est proposé, le bénéfice du doute est laissé aux polonais tant, après Księżyc Milczy Luty, l’a priori positif est énorme. Et pourtant il y a de quoi douter dès les premiers instants, avec cette interminable introduction de Wesele w śnialni, ou plutôt ces Spoken Words posés sur des sons pas très intéressants. Le tout donnant l'impression d'assister à la mise en place du groupe. Pourquoi pas, se dit-on encore. Passé quelques minutes, la machine semble enfin se lancer. L'a priori positif reprenant une dernière fois le dessus, on se dit que cette fois c'est bon, que ça va envoyer du lourd. Mais... non... Les ingrédients de base de ce qui avait fait la réussite de leur précédent disque sont bien présents mais le titre s'enferme rapidement dans une répétition stérile enfoncée par le chant de Nihil qui semble plus improvisé qu'autre chose. 
Rétrospectivement, c’est pourtant là quasiment le meilleur de que le groupe a à nous proposer car la suite qui nous est infligée pendant plus de 10 minutes, est une infâme bouillie, une sorte de session de jam pas très inspirée saupoudrée de Samples, de cris, de disputes et de bruits de fermetures de portes (qui semblent les avoir passionné tant cela revient encore et encore).
Les cinq dernières minutes de l’EP ont beau marquer le retour de la distorsion et de sonorités plus en phase avec ce qu'on s'attendait à entendre, le mal est déjà fait. Et quand bien même la base instrumentale serait bonne, les beuglements ineptes de Nihil et ses comparses altèrent considérablement le tout.

Quelle douche froide ! Au-delà de la déception, un autre sentiment pointe son nez : une forme de colère résultant de cette désagréable sensation d'être pris pour une vache à lait. Parce qu'il ne faut pas oublier que tout cela est vendu. Si encore ces deux titres n'étaient que des démos mises à disposition gratuitement, on pourrait à la rigueur passer outre mais là ce n'est pas du tout le cas. A cela se rajoute le manque d'humilité avec lequel W Śnialni est présenté : « Our goal was something on the border of a radio play / theater of imagination and a music album... Get ready to get lost in the labyrinth, the apocalypse is already going on... ». Faire passer ce qui ressemble à des chutes de studio sous influence pour de l'intention artistique est, il faut bien le dire, assez détestable.
Il est particulièrement rageant d'avoir, au mieux, le droit à entendre un pastiche du groupe fait de bribes mal agencées et noyées dans océan de vacuité alors qu'on sent bien que le talent est là et que, s'ils s'en étaient donné la peine, cet EP aurait été réussi. En conclusion, amateurs de Furia, passez donc votre chemin (en espérant que les polonais retrouvent le leur).

W Śnialni s'écoute en intégralité ici.

Księżyc milczy luty ( 2016 )

Formidable contre-pied des préjugés et clichés qu’elle véhicule, la « scène Metal » (chacun comprendra ici le sens des guillemets) est souvent bien moins prévisible que sa caricature. Prenez Furia : des polonais, du Black, une pochette extrêmement sombre de laquelle émerge une figure inquiétante, indistincte mais indéniablement maléfique. Sans même vouloir faire preuve d’un quelconque mauvais esprit, on s’apprête « logiquement » à entendre du Black tout ce qu’il y a de plus de classique : des trémolos, de la dissonance, des blasts et du chant éraillé. Raté. Et pas qu’un peu.

Dès les premières secondes de Za ćmą, w dym, le parallèle avec Big Strong Boss, l’ouverture du chef d’œuvre de BreachKollapse, est saisissant. Une même guitare lumineuse, joueuse vient se poser sur une batterie tout autant jazzy. Une voix de crooner vient couronner le tout. Progressivement, l’ensemble prend corps à mesure que la distorsion fait son apparition. Déjà, se distingue cette indolente basse, toute en rondeurs et, il faut bien le dire, magistrale. A l’inverse, la batterie est très sous-mixée, la grosse caisse quasiment inaudible, fait suffisamment rare pour être signalé. Et le Black dans tout ça ? Tout comme la furie il n’est pas ici considéré comme une fin en soi mais utilisé comme une influence parmi d’autres (le jazz, on l’a vu, mais également de façon éclatante le Post) pour faire passer une énergie, une émotion. Tout au long de l’album les marqueurs Black sont utilisés comme autant de références à destination des initiés. C’est ainsi une salve de trémolos qui vient faire basculer Cialo dans une ambiance et des sonorités agressives et martiales, tranchant avec la quiétude de son introduction. La sensation d’être sur un étroit chemin de crête nous accompagne ainsi de bout en bout. A tout instant, on sent que cette sauvagerie affleurante risque de n’être plus contenue comme avec Tam jest tu, qui bascule soudainement dans un tourbillon frénétique et hypnotique ou avec Zabieraj łapska où la batterie et la basse, d'abord engagées dans un jeu de ping pong central, finissent par se retrouver emportées dans un maelstrom enragé.
Un des points marquants de Księżyc milczy luty réside également dans le paradoxe dans lequel l’album nous place. A d’innombrables reprises, au travers d’un riff ou d’une intonation du chant, émerge la fugace sensation de déjà entendu. Pourtant, on est bien là face à une création ne ressemblant à nulle autre. De Breach pour le côté jazzy à Oranssi Pazuzu pour la frénésie hallucinatoire en passant même par Mastodon (un riff au milieu de Grzej), on a l’impression que c’est tout le panthéon du Metal contemporain qui y passe, subtilement et subrepticement. Furia semble tout pouvoir se permettre quitte à aller un poil trop loin avec Grzej et une conclusion s’étalant un peu trop en longueur, avec un blanc de 25 secondes entre deux résurgences du riff final.

Sorti il y a maintenant plus d’un an, Księżyc milczy luty fait partie de ces claques à retardement que l’on prend plaisir à prendre et qui nous démontrent que rien ne sert d’essayer d’écouter tout ce qui sort : les pépites finissent toujours par remonter à la surface, mues par la force du bouche à bouche ou par la programmation avisée et experte de certains festivals.

Księżyc milczy luty s'écoute sur le Bandcamp de Pagan Records.