Aujourd’hui pas de chichis, on commence par la conclusion: The Chemistry Of Common Life est une putain de bombe. Une sortie énorme par un groupe étrange qui n’en finit plus de tout foutre sens dessus dessous. En abattant crânement les cloisons entre Punk Hardcore le reste du spectre musical Fucked Up a commis le crime de lèse-majesté mais, honnêtement, lorsque l’on constate le résultat, on se dit qu’ils ont eu bien raison.
Oubliez vos petites cases bien rangées et vos playlists par style, Fucked Up s’en fout. Le groupe canadien avance le poing levé, lancé sur un train d’enfer, pose ses grosses basques et démonte la convention : Trois guitares, une production monstre, une flopé de samples d’une richesse folle, des mélodies indie aériennes en contraste complet avec le timbre bourru de Pink Eyes et bien plus encore avec les origines du groupe… Le processus de mutation ne date pas d’hier mais arrive ici à un point de maturation quasi idéal : en mouvement perpétuel et aventureux mais plus condensé.
The Chemistry Of Common Life est un album en chute libre dont le départ est donné par un "Son the father" fabuleux, fougueux et puissant à vous rendre hystérique un para sous prozac, introduit par un… hautbois. Un titre symbole du grand écart effectué par le groupe: somme toute simple et direct, il fait l’étal derrière son aspect tubesque d’une richesse et une fraîcheur dont peu peuvent se vanter. Pourtant, exit ici le copinage enjoué « clap your hands say yeah » avec le Punk Rock – dans le sens noble du terme - auquel les canadiens imprimaient des formats étirés sur la longueur développé sur l’excellent Hidden World. On recentre le tir et on passe dans la cour des grands en utilisant à fond la puissance de feu offerte par la configuration actuelle du groupe.
Fucked Up a cette manière d’exploser les carcans du genre, en chevauchant avec virilité des juxtapositions de mélodies noisy balancées sur une rythmique lourde et qui débordent littéralement d’une platine qui semble tout d’un coup bien étroite. Une patte unique qui permet au groupe de laisser filtrer un tube quasi radiophonique ("Black albino bones") ou de s’autoriser un peu de répit sur des accalmies instrumentales ("Golden seal", "Looking For god") sans même perturber ne serait-ce qu’un instant sa marche avant de repartir de plus belle dans sa course folle ("Days of last", "The chemistry of common life" qui dépasse les 7 minutes). Folle, passionnante, mais aisée à suivre. Ce que Fucked Up a à offrir ce sont encore une fois de véritables hymnes à l’accroche évidente, le genre de titres qui nous fait lâcher prise et que l’on a envie de hurler en cœur sans regarder aux décibels ("Son the father", "Twice born"…). Des compos lâchées dans une fuite en avant, appelant sans cesse une suite jusqu’à "The chemistry of common life" qui, enfin, lève le pied de l’accélérateur sur sa seconde moitié – ce qui n’empêche pas d’avoir envie de relancer la galette dans la seconde.
Fucked Up réussit de mieux en mieux cet alliage dingue de furie punk primaire et de recherche musicale audacieuse par un procédé qu’ils semblent être les seuls à si bien maîtriser. Les die hard fans de la première heure gueulent, les autres se concentrent sur l’actualité et le groupe, pris entre deux feux, semble presque s’en amuser et prendre un malin plaisir à brouiller les pistes en n’en faisant qu’à sa tête. Oubliez le Punk, le Hardcore, le Rock ou le Punk Rock, Fucked Up leur dit merde autant qu’il les remercie et leur reste attaché. Libre à vous de prendre le train en marche ou de rester à quai. Alors, prêts pour le grand saut ?
A écouter : Absolument! (ainsi que la discographie l'ayant précédé)