Je crois qu’on peut se réjouir de ce Articifial Bouquet. Il n’est ni plus ni moins que la suite de A Brief Memoriam, comme si l’espace s’était arrêté pendant cinq ans. On aurait pas pris une ride, on ne se serait pas posé la question de savoir si on avait encore un avenir et on aurait encore un peu d’espoir. Mais non, Frail Body a usé de ce temps pour créer quelque chose de fissuré. Un bloc imparfait.

Au-delà de cette intro très pompeuse, on retrouvera sur Artificial Bouquet ce côté à fleur de peau du Screamo, assez loin des sonorités latines de Ojne, plus proche d’un Gillian Carter pour exemple. Ca part dans tous les sens, le son est projeté comme un blast continu qui ne laisse que de très légères pauses (l’album propose des courtes transitions entre chaque titre). C’est d’ailleurs une démarche de considérer l’ensemble comme oeuvre globale et non un ensemble de morceaux, même si on décèle quelques passages de transition : la Basse ronflante sur « Critique Programme », le Post de « Another Year Removed » ou l’enchaînement « Refrain » / « No Resolution ».

Certains y accolent la notion de « Black metal », et c’est clairement perceptible sur « Horizon Line », ou l’extrémisme musical fait se rejoindre Screamo et Black, avec ce son saturé et un chant presqu’étouffé.
C’est presque cela qui sera l’élément le plus perturbant : ce côté frontal dès « Scaffolding », qui te laisse sur le banc si tu n’es pas préparé. Un peu comme la claque early-Loma Prieta à l’époque, et on y retrouve vraiment des similitudes.

Rien ne s’est arrêté au final. Frail Body a continué, emmagasiné des idées au point d’en lâcher plus de quarante minutes ici. C’est du Screamo, donc on s’attendait à peine à la moitié, mais tout s’enchaine si bien que cela semble hors du temps, perdu dans l’abîme.

Deathwish s’oriente peu à peu vers d’autres styles que le Hardcore porté par le label pendant plusieurs années. Ont rejoint le roster des groupes comme Thou, Touché Amoré, Loma Prieta, … et maintenant Frail Body. Certes le point commun reste une racine Hardcore, mais on lorgne beaucoup plus vers le Screamo ici que les effluves un peu violentes de Cursed ou Cult Leader, et Deathwish semble avoir le nez fin au vu du résultat du très récent split Frail Body / Massa Nera / Dianacrawls / Infant Island.

S’il possède un point commun avec Frail Hands, au-delà des frêles sentiments apparents, c’est ce Screamo éructant ses mots dans un enchevêtrement foutrarque de notes. Rien ne dévoile une fragilité dans les titres, bien au contraire : Frail Body démontre avec un fort aplomb qu’être trois n’atténue pas l’effet sur l’espace sonore, à la manière de Old Gray. Les changements de rythme sont moins brutaux que ces derniers, mais les Américains dévoilent autant d’énergie.

Sur des titres comme « Old Friends » ou « Aperture », on ne peut nier l’influence de Loma Prieta, la proximité de Massa Nera (sur Los Pensamientos De una Cara Palida) ou Ghost Spirit. Tout un mouvement qui se retrouve en pleine effervescence cette année (chacun ayant sorti un nouvel opus), et dont le fil conducteur reste le même, avec quelques instants de pure folie (« Cold New Home »).

Ainsi donc, A Brief Memoriam emporte d’un violent coup une multitude d’émotions : d’une capacité à hurler à la manière des premiers Loma Prieta, le trio côtoie aussi le récent Ghost Spirit par moment. Rien de mieux qu’un « Tradition In Verses » pour finir de vous achever.