Le saviez-vous ? « Nos
régions ont du talent » est une ligne de produits du terroir
Français, mais peut aussi être décrire les formations musicales
issues de nos contrées. Particulièrement à celles qui sont en
manque de reconnaissance. Heureusement pour Fractal universe, quatuor
de Death technique, cela risque de changer. Actif depuis 2014, le
groupe n'a pas tardé à sortir un EP l'année suivante, Boundaries of reality, avant de se faire remarquer au Motocultor 2016. Les
Nancéiens ne chôment pas puisque l'album débarque en 2017 sur le
label Kolony records. Engram of decline, de son petit nom, place la
barre haut et ouvre de nouvelles portes à Fractal universe qui se
paie le Metaldays en 2017 et le Hellfest en 2018.
Mais, tout risque de s'accélérer dans
les semaines à venir puisque Rhizomes of insanity, second album du
groupe, sort via Metalblade. Un label solide pour quatre jeunes gens
plus que motivés. Retour en 2017 pour la sortie de Engram of decline. Votre serviteur ici présent a eu l'opportunité de pouvoir
parler du disque et le verdict était le suivant : bien mais pas
top, la faute à des influences Obscura/Gorod trop perceptibles. Deux
ans plus tard (oui, on est de retour en 2019, c'est toujours
compliqué les voyages dans le temps), qu'est-ce qui a changé dans
la recette de Fractal universe ?
L'essence des compositions reste la
même : on est face à du Death technique flirtant allègrement
avec le progressif. Riffs alambiqués avec sweeping et alternate
picking : check. Mesures asymétriques et alternance de binaire
et ternaire : check. Growl caverneux et viscéral : check.
Mais Rhizomes of insanity est avant tout un disque qui sait faire
preuve de classe et de réserve. On retrouve régulièrement des
passages en clean avec une voix susurrée (Oneiric realisations,
Parabola of silence) qui insufflent au disque une atmosphère de
calme inquiétant. L'album étant écrit autour du concept de la
folie, rien de plus normal que de ressentir cette forme de
bipolarité : accélérations blastées (car oui, c'est quand
même du Death) entrecoupées de ces interludes parlés. Mais ce
n'est pas dans ces oppositions assez classiques que Rhizomes of insanity tire son épingle du jeu.
Là où les musiciens déploient tout
leur potentiel, c'est dans ces passages mid-tempo, assez nombreux, où
les guitares se lâchent et partent dans tous les sens. Leads,
rythmiques et solos se confondent, se cherchent, s'affrontent pour
finalement se rejoindre et développer un thème musical. La
progression de Madness' arabesques est un exemple très parlant :
le riff est évoqué dans l'intro en clean, comme une promesse. La
tension monte d'un cran avec l'arrivée de la distorsion mais est
très vite désamorcée par un break narratif avec ces fameuses voix
presque murmurées. Puis, tout remonte progressivement avant
d'arriver enfin à la version ultime de ce thème entraperçu au
début, et de repartir sur un autre pattern où un solo viendra
probablement se glisser. Chaque instrument en appelle un autre :
le voix se montre plus agressive, ou les guitares s'épaississent
subrepticement puis c'est l'escalade de la violence avec l'arrivée
de la double pédale, de la guitare rythmique mordante avec des palm
mutes incisifs puis des accords vicieux.
Rhizomes of insanity s'amuse avec
l'auditeur, le bouscule volontiers d'une ambiance à l'autre avec
plus au moins de délicatesse. Outre les mid-tempos, on trouve de
nombreux solos au feeling presque Power/Heavy metal : Andy Timmons n'est parfois pas loin, ainsi que Kiko Loureiro de Angra.
S'ajoutent à cela la diversité de la performance vocale :
growl écorché, chant crié (qui rappelle toujours Gorod), parties
en clair à la Alkaloid ou Cynic... Fractal universe ne s'arrête pas
là et propose des trucs plus thrashy (Masterpiece's parallelism) et
des compos carrément groovy comme l'aurait fait Trepalium
(Fundamental dividing principle). Rhizomes of insanity est un album
plus varié que son grand frère et avec plus de personnalité.
Corrigeant avec brio les défauts
présents sur Engram of decline, ce nouvel opus risque néanmoins de
décevoir les aficionados de violence pure et dure qui reprocheront à
Fractal universe de faire retomber le soufflé trop souvent. On a
l'impression que le groupe se coupe de lui-même dans son élan alors
que le crescendo est loin d'être à son paroxysme, ce qui peut être
frustrant. Mais il n'empêche que Rhizomes of insanity est une œuvre
soignée sur de nombreux points, autant sur le fond que la forme. Si
vous cherchez un disque qui a besoin d'être apprivoisé et qui
regorge de moments de bravoure ; si vous cherchez des solos
pertinents sans shred débile ; si vous cherchez un album de
Tech death racé et varié, Rhizomes of insanity risque de vous
attirer irrémédiablement et de vous séduire lentement avec sa
schizophrénie musicale, écoute après écoute.
A écouter : Flashes of potentialities, Madness' arabesques, Chiasmus of the damned