Fordamage
Noise Rock

Volta Desviada
Chronique
C'est finalement le loup rougeoyant, en bien mauvaise posture sur Belgian Tango, qui est venu à bout des immenses griffes de l'ours. Sur Volta Desviada, on le retrouve sous un orage électrique, babines retroussées et tous crocs dehors, à l'attaque de tout un troupeau de bisons. Niveau supérieur ? Il faut croire.
L'entame de ce nouvel album placarde immédiatement à la gueule la classe naturelle de Fordamage, une noise magmatique et remuante, bétonnée tout en étant d'une extrême agilité, composée avec un souci du détail omniprésent qui ne soutire aucun espace à une spontanéité musculeuse qui tire un large trait sur l'ensemble des 9 excellents morceaux. Volta Desviada renoue évidemment avec les sauvages jalons de Belgian Tango, à savoir cette basse trépidante qui fait bien plus qu'assoir le rythme et ces guitares abonnées à la mélodie ("A man and a dog") comme aux accès de fièvres épileptiques ("Throwing Stones"). Mais Volta Desviada s'affranchit de ces solides acquis pour aller au delà en arpentant une itinéraire nettement plus escarpé. En choisissant de remettre tout à plat à chaque titre, en choisissant de se remettre perpétuellement en question, Fordamage a franchi un cap évident. D'un groupe au propos véhément qui exécute sa danse avec une énergie incendiaire, Fordamage est parvenu à la stature de groupe unique, inventif jusqu'à plus soif et sachant ponctuellement canaliser sa rage juvénile vers des terrains nettement plus insidieux. Il n'y a qu'à écouter le lumineux "Sleeping On A Flag". Un morceau à la classe tout juste folle, à rapprocher des meilleures oeuvres de June Of 44, de celles qui emplissent la cage thoracique d'un sentiment invincible. Il faut aussi s'attarder sur "A man and a dog", judicieusement placé à mi-chemin, ce long et superbe filament faussement doucereux cristallise la nouvelle donne de Fordamage. De nouvelles cartes qui étendent les possibilités du groupe bien au delà de l'horizon.
Volta Desviada s'achève sur "Thank you", un titre charnu et furibard au sein duquel tout le monde donne de la voix et qui rappelle que malgré tout, Fordamage reste cet animal vorace et indomptable. Thank you Fordamage.
L'album est en écoute intégrale sur bandcamp.
Le retour en béton armé.
La note ne bouge pas d'un pouce pour ma part mais en ce qui concerne la copie rendue par les locaux on est carrément à un autre niveau que le déjà excellent Belgian Tango.
Fordamage se ici fait sa petite niche dans son coin, à la fois toujours un peu plus loin et au croisement d'influences (pourtant évidentes) que l'on doit davantage deviner aujourd'hui que par le passé. Les charmes explosifs et l'aspect direct du second album s'effacent un peu derrière une maîtrise et une richesse nouvelles qui servent pleinement la personnalité déjà bien affirmée du quatuor sans rendre ce nouvel effort moins accessible pour autant.
De quoi redonner envie de se les coltiner en live au plus vite et de revenir sur un disque qui devrait faire un bon nombre de passages sur la platine avant d'avoir épuiser toutes ses ressources (que l'on devine d'ores et déjà au dessus de la moyenne).