N'ayant pas l'habitude de suivre n'importe quel inconnu, surtout s'il
est russe, c'est avec beaucoup d'appréhension que je décidai il y a
quelque temps de suivre ce lapin blanc originaire de Saint-Pétersbourg.
Méfiant comme jamais, il ne m'a pas fallu très longtemps pour
m'apercevoir que je suivais là un animal atypique, une jeune formation
n'ayant pas peur de s'investir dans une musique à la fois belle,
virulente et mélancolique.
D'abord très timide dans ses premières secondes de pérégrinations, le lapin ne tarde pas à devenir très loquace (The Eye Light)
et me choque par sa maturité musicale. Son étrange propos mâtiné de
mathcore psychédélique ne met pas longtemps à submerger de sensations
contradictoires mon esprit embrumé. J'hésite d'entrée de jeu, je ne sais
pas si j'aime ce qu'il me fait voir, je ne sais pas si je déteste son
attitude, et je ne sais pas si son aventure au pays de la folie en vaut
la chandelle.
Je ne baisse pourtant pas les bras et arrive assez vite
à m'entendre avec lui, il me parle de son mathcore aventureux et il est
plutôt inspiré, il me dit qu'il a un peu laissé de côté les
mathématiques pour se concentrer sur une approche plus progressive de la
chose, ça me plaît énormément, et je tombe radicalement sous le charme.
Je lui réponds alors que c'est quand même un peu dommage de tout miser
sur ce côté progressif et de s'enfermer dans des ballades parfois un peu
trop mélancoliques (Zzz(Zzz)), alors il me fait écouter Few stories of a Deserted Forest, frissons et spasmes envahissent alors mon corps, c'est une vraie révélation et je commence à comprendre où il veut m'emmener.
Il
me révèle ensuite dans la foulée son univers complexe et torturé et
toutes les subtilités de sa musique tout aussi tordue ; outre le fait
que leurs compositions prennent aux tripes comme rarement, le savant
mélange de math rock progressif aux accents jazzy agrémenté de nappes
électro et ambiances psychédéliques me fera littéralement chavirer.
La fureur de certains passages (Few Stories of a deserted forest, Panic Attacks, The great Worm)
alternés avec de longues envolées sentimentales, le mélange syncopé /
hurlé avec ces ambiances post rock / prog' caractéristiques forment une
entité bien distincte, une âme pure, originale et débordante de
créativité, je suis impressionné et cet électrochoc musical m’amène à me
perdre dans les méandres d'une dizaine de titres qui ne forment au
final qu'une et une seule œuvre. Trois ou quatre compositions peuvent
passer sans nous donner l'impression d'avoir changé de piste, mon esprit
pourtant habitué ne s'en remet toujours pas. Musicalement c'est presque
un sans fautes, deux inspirations musicales se côtoient chez Follow the White Rabbit
: on retrouve certains standards du mathcore avec des riffs de guitare
qui bouclent et rendent fou, des structures complexes à foison et une
partie chant restituant à merveille le côté sauvage de la musique, et au
dessus de ce mur de son imposant viennent se greffer au fur et à mesure
des titres des parties prog' et post rock vraiment surprenantes (All night and day, Fakeface, The Great Worm, ...). Le lapin blanc est vraiment plein de ressources et je passe un très bon moment en sa compagnie...
C'est la fin du voyage, ce lapin là est fatigué (quelques pistes comme Zzz(Zzz) et Endorphinia
sans réel intérêt pour clôturer l'album), mais il m'a largement conquis
par sa fougue : un mathcore qui sort un peu de la caricature, un
premier album innovant réussissant le pari un peu fou de mélanger prog,
mathcore et psychédélique, nous baladant au gré des différentes
ambiances des compositions, toutes plus torturées et poignantes les unes
que les autres.
Un premier album vraiment réussi pour un groupe
aussi jeune s'attaquant à un genre qui mine de rien commence un peu à
s’essouffler dans nos contrées. Niveau influences vous prenez Silkth, The Mars Volta, DredG, Karnivool, The Dillinger Escape Plan et vous secouez le tout très fort, et vous serez encore loin du compte... Vivement le deuxième album !
A écouter en intégralité ici.
A écouter : Jusqu'au bout !