Le screamo hexagonal peut se targuer d’être connu et reconnu comme une entité à part entière. The french way of emo comme ils disent. C’est une école, et qui dit école, dit maîtres et disciples…
Dans le rôle des sensei ici, nous avons donc Amanda Woodward et Gantz (voire Daïtro et Tang). L’élève, c’est Filigram, en provenance de la basse Normandie. La victoire de l’Homme sur l’Homme, son premier exercice, commence avec "Kaliayev" (nom du poète révolutionnaire dans la génialissime pièce de Camus Les Justes) et le moins que l’on puisse dire, c’est qu’on a immédiatement l’impression d’être projeté 5 ans en arrière lorsque le screamo tricolore battait encore son plein. Alex vocifère selon les codes du genre, d’abord en a-cappella, avant que les instruments tumultueux ne l’emportent, le timbre écorché légèrement raw comme on a pu l’entendre récemment chez Isaïah ou jadis chez Aside From A Day. Vous avez dit classique ?
Ce premier 5 titres récite donc une leçon soigneusement apprise qui mêle screamo fougueux, post-hardcore dense et accalmies emo-aprèges dans le sillage de ce que les autres disciples – Draft, Scold For wandering, Errata ou Free Medical Fantasy - ont fait dernièrement. Là où le bât blesse, c’est que les normands appliquent la méthode avec trop de discipline. Ainsi "A L’ouest rien de nouveau", par sa thématique et ses spoken words semble une redite d’"Au cœur des ténèbres" de Gantz, "Cuillère" évoque irrémédiablement "La décadence de la décadence" de Amanda Woodward le côté punk en moins. Etc etc. Au final, à force d'application, de reproduction et de mimétisme, Filigram s’oublie et ne montre pas ce qu’il possède lui-même.
Il n’est pas question de remettre en cause la démarche du groupe, en atteste le bel artwork du maxi, la musique soignée et le jeu sincère de ses protagonistes, simplement de dire que la marque des parrains étant encore bien trop présente, il sera de bon ton d’envoyer valser tout cet héritage pour le prochain passage en studio. Après tout, le véritable nihilisme disait Nietzsche, c’est de ne pas avoir de maître.
A écouter : "Kaliayev"