Biographie

Fennesz

Christian Fennesz est né en 1962 en Autriche. Il se familiarise avec la musique à l'âge de 8-9 ans et crée son premier groupe Maische (ersatz de Sonic Youth meets My Bloody Valentine) à la fin des années 1980. Ce n'est qu'au début des années 1990 qu'il se mêle à la scène techno viennoise et commence à sortir des albums sous son propre patronyme.

Figure clé de l'IDM, mêlant ses sonorités electro fortement influencées par le glitch à de vrais instruments, Fennesz a parsemé sa discographie de nombreuses collaborations aussi diverses que fertiles. Citons en vrac : Sparklehorse, Jim O'Rourke, Oren Ambarchi, Mike Patton ou Ulver (l'Autrichien apparait sur Shadows of The Sun, 2007).

Bécs ( 2014 )

Il s'est passé six ans depuis que Christian Fennesz a sorti son dernier LP. Black Sea n'avait néanmoins pas marqué les esprits à la hauteur de ce qu'avait pu faire Endless Summer (2001), qui reste la référence dans la discographie de l'Autrichien, et une source d'inspiration pour bien d'autres artistes. Lorsque Fennesz annonce qu'il retourne aux Editions Mego pour sortir Bécs, on se prend à imaginer qu'il va y prolonger son éternel été. En fait, c'est bien plus que ça : en appuyant les contrastes sonores, il y dresse un état des lieux de son talent, immaculé, comme un rappel qu'il faut encore compter sur lui pour montrer la voie.

La méthode de Fennesz a toujours reposé sur les clairs-obscurs pour briller. Sur Bécs, comme ailleurs, chaque titre part d'une base simple - quelques notes limpides de guitare ou de synthé, pour se complexifier progressivement et s'envelopper d'une couche saturée à plusieurs niveaux de lecture, à la limite du shoegaze. A lui seul, le titre phare de l'album, "Liminality", imposant par sa durée et ses ambitions, résume tout le travail de Fennesz, qui ne se dévoile qu'à force d'écoutes répétées - comme ces discrets et épars roulements de batterie. Le morceau monte doucement en tension, la mélodie se consume puis tout disparaît dans un silence songeur. "Pallas Athene", qui lui succède, lui offre alors un contrepoint synthétique et éthéré plus reposant. Ainsi va Fennesz, passé maître dans l'art de manipuler ses sonorités pour les rendre malléables et chatoyantes.

Depuis ses débuts, Fennesz travaille sur le bruit de manière à l'apprivoiser et à en dégager les émotions qui parcourront ses albums. Son travail peut parfois être rapproché de celui d'un Ben Frost ("The Liar") mais avec une différence fondamentale : alors que ce dernier tend à utiliser le bruit comme la représentation de l'abîme, Fennesz en sort des sentiments plus légers pour faire rayonner ses mélodies. Il y a chez lui une élévation perpétuelle tandis que Ben Frost propose une éternelle descente. Chez l'un, comme chez l'autre, néanmoins, on retrouve ce souhait de densifier les textures jusqu'à les déformer mais sans les rendre encore tout à fait abstraites. L'auditeur peut les effleurer en même temps qu'elles lui échappent en se dissolvant ("Sav"). C'est cet entre-deux qui rend leur travail aussi fascinant et qui leur permet de se renouveler sans perdre leur savoir-faire.

Bécs n'annonce sans doute pas un nouveau départ pour Fennesz. A l'auditeur familier, il n'apporte aucune surprise mais est un écho rassurant et référencé à ses précédents travaux. Aux autres, il est une invitation sans détour à découvrir l'univers de l'artiste, drapé dans ses volutes et confortablement bercé par les images d'un été qui n'en finit décidément pas.

15.5 / 20
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In The Fishtank vol.15 (w/ Sparklehorse) ( 2009 )

Comme dans un aquarium. Des 15 collaborations furtives qui ont émaillé la série du label néerlandais, celle entre Christian Fennesz et Mark Linkous alias Sparklehorse, est sans doute l'une des plus réussies. On rappellera d'abord, brièvement, le concept : des artistes réunis dans un studio composent, au gré de leurs expérimentations et improvisations, un matériel spontané, né d'une rencontre et destiné à mourir lorsque les portes de l'extérieur s'ouvrent à nouveau, deux jours plus tard.

Ce n'est pas un secret, l'Autrichien et l'Américain aiment mêler leurs sonorités, que ce soit en live ou sur album (Fennesz avait déjà travaillé sur un disque de Sparklehorse). Et, dès l'ouverture sur Music Box of Snakes, l'impression se confirme : ces deux-là s'entendent comme larrons en foire. Le travail de nappes synthétiques de Fennesz enrobe à la perfection les touches organiques (flûte, guitare) de Linkous. D'abord effacé, ce dernier fait ensuite émerger un chant fragile, poussé par la vague ambient lancinante du premier (Goodnight Sweetheart). Le disque vogue en eaux calmes jusqu'à sa digne conclusion, la courte Christian's Guitar Piece qui répond à celui de Sparklehorse, entendu auparavant. Echange des rôles, fusion des instruments, tout se fait sans heurts : l'eau de cet aquarium a ceci de magique qu'elle dégage un ensemble homogène, sans percussion, tout en coton.

La collaboration Fennesz & Sparklehorse repose sur une musique nébuleuse, de celles qui s'apprécient les yeux mi-clos le long d'une frontière indéfinie. Même les perturbations bruitistes et hypnotisantes des 11 minutes de NC Bongo Buddy n'auront pas raison de la quiétude qui parcourt l'album ; au contraire, elles l'enfoncent dans un uni apaisant, entre le craquement réconfortant du vinyl qui tourne et le clapotis de l'eau qui dort. Plus qu'à entendre, le duo donne alors à rêver, If My Heart s'autorisant même un petit soupir poussé dans un lyrisme retenu, à l'écho aquatique.

En ouvrant son jeu musical et lui permettant de s'aérer, Fennesz garde ici tout son sens de la profondeur, un maniement de ses sonorités qui confine à la précision chirurgicale tantôt en figure principale, tantôt en support de luxe. Mark Linkous, pour sa part, après sa collaboration avec Danger Mouse sur Dark Night of The Soul (2009), confirme son statut de caméléon sur la scène musicale, intégrant son jeu parfaitement dans l'univers de l'autre. Deux artistes comme deux poissons dans l'eau, en somme. Un album pour se défier de l'eau qui dort.

A écouter : Music Box of Snakes - Goodnight Sweetheart - NC Bongo Buddy