Feminazgûl

Black Metal Atmosphérique

États-Unis

No Dawn For Men

2020
Type : Album (LP)
Labels : Autoproduction

Chronique

par Velvet Mind

C'est avec une grâce morbide que Feminazgûl nous offre, avec No Dawn For Men, une épopée homérique vers les contrées les plus belles et les plus ténébreuses du Black Metal. The Age Of Men Is Over, précédent EP annonçait déjà les prémices et le style de Feminazgûl : un Black Metal, Post et atmosphérique brillamment entrelacé d'éléments d'instrumentation classique.

C'est dans ce prolongement que No Dawn For Men, fait s'entremêler à la perfection la rage funèbre et la grandeur épique du Black Metal avec le lyrisme grandiloquent apporté par des instruments tels que le violon, le piano, le tout illuminé de chant clair et de chœurs. Ainsi, le chant hurlé de Laura Beach côtoie les arrangements de Margaret Killijoy. ceux-ci permettant aux riffs de guitare les plus black de confronter accordéon, violon, piano et thérémine. Une danse macabre du sombre et de la lumière où les chœurs et du chant clair de Meredith Yayanos insufflent une dimension sacrée à l'ensemble. Du mixe des genres et des instruments aussi inattendus que le thérémine et l'accordéon devrait ressortir une aura bizarre ou dérangeante. Il n'en est rien. Cet album est tout simplement parfait. Illa Mother Of Death, ouvre l'album sur les notes d'accordéon funéraire. Une errance mélancolique sur les sentiers de ténèbres où personne ne règne, où la nuit n'a pas de roi, où la nuit n'a pas de reine. I Pity The Immortal introduit le morceau sur une texture musicale plus typiquement Black Metal, plus éthérée, flirtant avec le Shoegaze et nous plonge dans un brouillard malfaisant, pour une chevauchée à toute vitesse sous un ciel où les dieux sont maudits. 

Plus on pense qu'un morceau est à l'apogée du grandiose et plus le suivant nous surprend à l'être d'avantage ! The Rot In The Field Is Holy. Apothéose divine et maudite, lumineuse et sombre. Tout y est somptueux. L'introduction au violon sur fond de brouillard poisseux. L'entrée élevée des chœurs est tout simplement bouleversante. Le violon et les chœurs, surplombés à des moments par le chant clair, vous prennent directement au ventre, plongent vers votre cœur et agrippent un bout d'âme au passage. L'emportant avec eux dans dans leur blasphème. Quelque chose tient du sacré ici. Et du sacrilège en même temps. Les incantations de Laura Beach viennent ajouter la touche macabre finale. Malédiction. Absolution. The Rot In The Field Is Holy est un voyage sacré vers la lumière, les ténèbres, duquel aucun retour n'est possible. Votre âme s'en retrouvera définitivement changée. Un état de béatitude que Bury The Antlers With The Stag prolongera par une introduction au violon clairsemée de la beauté étrange du thérémine. Vous laissant ainsi sans défense lorsque, tel un cavalier de l'apocalypse, le cerf surgira de sous-terre et foncera sur vous pour vous décapiter. Et si Forgiver, I Am Not Yours inaugure une phase plus planante et atmosphérique de l'album, c'est sans compter sur ses paroles :
« Forgiver, i am not yours 
I will never be mercy [...]
I was not made to be gracious
I will carry this hatred
I will carry this hatred to my grave » 
Déclaration de guerre contre le patriarcat, Forgiver, I Am Not Yours est un hymne profondément féministe.

Des pistes plus lentes et atmosphériques, plus apaisées – en apparence, donc – succéderont, mais il s'agira bien sûr du calme avant la tempête. Car si vous pensiez enfin avoir atteint le répit dans la mort, To The Throat revient au galop pour une course rythmée haletante qui saisit votre crâne et l’emmène vers les abysses. Rédemption enfin ? In The Shadow Of Dead Gods, écho fatal au premier titre. Les contrées noires de la tristesse et de la rage sont infinies... Si cet album n'est pas labellisé « Black Metal » au sens traditionnel, il confronte cependant le genre à ses contradictions. Que les étiquettes les plus étriquées se consument ! Qu'elles emportent avec elles leurs adorateurs ! Cet album sera Black Metal, Post, Black Metal Atmosphérique, peu importe. Dans le prolongement du Sunbather de Deafheaven, bien que stylistiquement à des lieux de celui-ci, la créativité de Feminazgûl, comme tant d'autres groupes de Post Black Metal, dépoussière le genre et lui permet d'évoluer. Et pour le mieux ! De par la haine qu'il a suscitée chez certains des amateurs du Black Metal traditionnel, que des féminazies / gauchiasses - dont une transsexuelle - aient pu créer quelque chose de si bon, cela doit en effet être dur à encaisser. Cette considération est cependant accessoire.

Il y a des albums comme ça. Qui nous happent, nous transforment, bouleversent tout en chemin. No Dawn For Men nous emporte dans une chevauchée sombre, rythmée et grandiose aux confins de la colère et de la tristesse les plus dévorantes qui soient, mais également de la rage la plus salvatrice. Impossible d'en sortir indemne. De la haine du patriarcat et de la bêtise humaine est sorti ce bijou de noirceur. Magique et noire, la musique de Feminazgûl est intense, complexe, unique. Une ode à la beauté. Une ode à la mort. Une ode au combat. Intrinsèquement féministe, chaque note, chaque arrangement, chaque cri est une brillante revanche renvoyée au visage de l'oppresseur. Une chose est certaine : si la haine et la rage sont ce qui définit et caractérise fondamentalement le Black Metal, alors cet album en est la quintessence. Feminazgûl nous offre, avec No Dawn For Men, définitivement un de ses plus majestueux représentants.

17

Les critiques des lecteurs

Moyenne 18.5
Avis 2