« La démocratie est un mauvais système, mais elle est
le moins mauvais de tous les systèmes.» a déclaré un jour Winston Churchill.
L’humanité a en effet connu au cours de son Histoire toutes sortes de régimes
se voulant chacun le meilleur possible, asservissant des hommes pour satisfaire
les élites dirigeantes. Mais si cette élite n’était plus de ce monde, et
continuait malgré tout, de régner post-mortem ? Exhumed tente de répondre
à cette question à travers « Necrocracy », album arborant fièrement
une typographie nous rappelant l’alphabet cyrillique, ainsi qu’une procession
de macchabées défilant sur un fond rouge sang. Le projet est clairement
ambitieux et intéressant, mais de là à ce que celui-ci soit pleinement abouti,
il reste un pas à franchir.
Que ceux qui avaient en tête la formation californienne à
ses débuts soient avertis : Exhumed a délaissé le Grindcore crasseux de
« Gore Metal » et officie désormais dans un Death-Grind relativement
édulcoré. Le son des guitares est plus soigné, épuré, et les nombreux soli sont
accompagnés d’une reverb qui rend désormais les montées dans les aigus très
« clean ». Mais le duo basse/batterie contrebalance ce phénomène en
puisant dans les racines d’Exhumed : la quatre-cordes grasse et groovy se
marie aisément aux son « garage » des fûts, martelés tantôt façon
Punk (refrain de « Necrocracy »), tantôt façon Death (intro de « Carrion
Call »). À cela vient s’ajouter un duo vocal, où growl et scream d’écorché
vif nous content les heures sombres d’une armée des morts dégoulinante de bile
et couverte de pustules (« Necrocracy »). Si l’aspect technique est
plus que correct, l’originalité cependant n’est pas le point fort de cet album.
Le groupe aux multiples demos et splits nous propose neuf titres (quatorze dans
la version deluxe pour les fans et/ou les plus courageux) sensiblement
construits sur le même schéma : alternance des voix, solos systématiques
et peu différents les uns des autres, batteur s’adonnant à la double pédale puis
à la caisse claire sur chaque temps (« Coins Upon The Eyes »,
« The Shape Of Deaths To Come »)… Une recette certes efficace mais
qui s’essouffle et peine à maintenir l’auditeur lambda jusqu’aux dernières
secondes du disque. De plus, on remarquera un certain manque d’intensité et de
rage pour qui aura la curiosité de comparer cet album au précédent, « All Guts, No Glory ». Un constat qui s’avère être une décision de Matt Harvey,
confiant en interview qu’il souhaitait expérimenter des tracks plus lentes. En
résultent des morceaux perdant en efficacité, méritant d’être raccourcis pour
être joués plus vite : l’armée des morts présente sur la pochette est
rendue moins agressive et redoutable, et la musique quelque peu répétitive
affaiblit et décrédibilise un concept qui aurait pu être intéressant.
Cependant nier quelques très bonnes séquences de ce dernier
Exhumed serait faire preuve de mauvaise foi : certains titres sont bien
menés comme « Sickened » (sans doute l’un des meilleurs) ou l’intro ô
combien jouissive de « The Shape Of Deaths To Come » mariant à
merveille batterie et voix. Par ailleurs certains breaks font oublier pour
quelques instants le Death-Grind pour des envolées vers la sphère du
Hardcore : l’outro de « Dysmorphic » l’illustre bien de ses
riffs lourds et de sa voix scandant les lyrics, rythmée par un growl marquant
le temps.
Ce sont justement de ces passages réussis que devrait
s’inspirer la formation californienne, des bribes de sincérité et de nouveauté
à préférer au clinquant des soli répétitifs et par conséquent ennuyeux. Nos
compères de chez Relapse Records s’autorisent somme toute assez peu d’instants
de folie, comme enfermés dans un carcan qu’ils entretiendraient eux-mêmes.
L’idée de traiter d’un régime politique macabre et peu conventionnel laissait
espérer une création musicale à la hauteur de cette source d’inspiration. En
définitive, « Necrocracy » pose une fois de plus l’éternel choix
artistique entre le confort et la prise de risque.
A écouter : Sickened, Dysmorphic