Ce n'est pas faire preuve de flagornerie de dire que, depuis un certain temps, Several Bleeds Records accumule les sorties de qualité (Slavery, Shoemaker Levy 9, Inhatred). C'est une réalité. Toutefois, en musique comme en beaucoup de domaines, le plus difficile reste de conserver le même rythme de croisière. Qu'on se rassure, ce n'est pas Every Reason To, nouvelle trouvaille du label, qui fera baisser la moyenne.
Pour cette première production,les transfuges de Fate ont souhaité un son à la hauteur de leurs ambitions. Quoi de plus normal donc que de confier la réalisation à Francis Caste, qui connaît bien la maison puisqu'ayant déjà bossé avec Es La Guerilla, Slavery et Inhatred, mais aussi à Pelle Henricsson connu pour son boulot avec Breach, Cult of Luna ou Entombed. Résultat, un son gras, imposant, sourd, parfois proche des vieilles productions de Neurosis mais également de celles de Victims ou Rise And Fall.
Reposant sur une assise sludge assez imposante - on pense à Eyehategod evidemment mais aussi à The Abominable Iron Sloth et Doomriders - Every Reason To opère sur un mode peu rapide, très lourd, fruit d'une section rythmique inventive, adepte du contre temps, d'une efficacité que l'on retrouve uniquement chez les power trio. A l'aide de massifs coups de boutoir, les parisiens établissent une atmosphère ténébreuse dont seul un optimisme à tout crin peut nous sortir. Inutile de compter sur Bernard pour remplir ce rôle. Sa voix gargantuesque et sans variation, rappelant un peu le timbre de Bjorn (Rise And Fall), apparaît nettement en retrait et contribue par là-même à exacerber ce sentiment malsain qui prend possession du skeud de manière insidieuse.
Le tableau serait incomplet si l'on réduisait la musique d'Every Reason To à ce seul aspect. Sous des dehors frustes et traditionnels, les parisiens mettent tout en oeuvre afin de ne jamais tomber dans le cliché, tentant de nous surprendre par tous les moyens. En effet, si le côté classique du sludge reste omniprésent avec quelques pointes stoners nous faisant remonter aux âges anciens de la discipline notamment sur "New Horizon" ou "Hold of Flames", "The Wire Unwinds" ou "Downfall" sont lacérées de quelques touches grind, certes parcimonieuses, mais qui n'en ont pas moins leur utilité.
Mais certainement le point fort d'Every Reason To est d'illustrer ses morceaux de riffs beaucoup plus fins, sinon plus travaillés qu'il n'y paraît de prime abord. Toujours distincts malgré un penchant noisy manifeste, ces derniers concourent à doter les compositions d'un côté émotionnel inattendu sans pour autant en altérer leur force ("Parallels Finally Cross", "Until We Meet Again").
Every Reason To dispose de la puissance de feu d'un croiseur et fera assurément le bonheur des plus rustiques d'entre nous. Il n'en demeure pas moins que cette première production possède d'autres qualités qu'une seule écoute ne peut suffire à cerner. Ceux qui s'en contenteront en seront pour leurs frais. Les plus patients ne souhaiteront que deux choses : voir la bête en live - une tournée est programmée pour le second semestre 2006 - et qu'elle fasse des petits.
A écouter : Parallels Finally Cross, Until We Meet Again, New Horizon