"A pas feutrés sur mes rêves bien rangés", telle pourrait être l’approche de Modus Operandi. En effet, il aura fallu 6 ans pour que les premières compositions des jeunes lillois de Errata parviennent jusqu'à nous, tout d'abord sous la forme d'un seul et unique titre "Comme Un Arrière Goût De Cendres", puis par cette première démo, Modus Operandi. Celle-ci se cache sous un artwork à l'image de la musique : mélancoliquement poétique.
Difficile de cataloguer la musique d'Errata, puisqu’elle se rapproche d'un postrock sur de nombreux passages, mais aussi d'un screamo éreinté sur d'autres. Que ce soit sur "Adventice", aux spokens words clamés tel un poème, ou "Nephelion" et ses hurlements de douleurs, cette dualité est présente sur chaque morceau de Modus Operandi. S'alternant, se côtoyant sans jamais s'entremêler, chaque chanson est construite de manière à offrir une succession des 2 styles, laissant à l'auditeur la sensation d'être porté par la musique, spectateur de cette douleur éclatante. Certains passages sont larmoyants, telle la fin de "Modus Operandi", avec un chœur en sus, renfort au chant au bord de la rupture, au cas où celui-ci viendrait à défaillir ou encore la conclusion de "Adventice", presque lumineuse, comme si la souffrance s'était dissipée. Un autre exemple est l’introduction de "Comme un arrière goût de Cendre", d’abord douce, puis chargeant comme un assaut dévastateur mené par les mots hurlés que sont "Liens, Transferts / Imbu de Confiance, s’élancer dans la Guerre". Les paroles, loin d'être énigmatiques, ont cependant un charme certain : "Assis sur un océan sans fond, maquillé de réversibles visions / Je m'entretiens avec moi-même / Et voici un nuage imbibé d'encre en fusion / Pour écrire le hasard et l'illusion. Un rôle pour moi, mais jamais le même / De chaque pore de ma peau, de fabuleuses et absurdes scènes" sur "Nephelion". Relativement sombres, riches, elles transpirent la faiblesse humaine, le sentiment d'abandon de l'être. Posée sur les instruments, cette faiblesse devient force sur "Nephelion", fragilité sur "Modus Operandi" ou "Adventice". Musicalement, Errata se rapproche par moments de la démo de Aussitot Mort ou celle de Le Pré Où Je Suis Mort, surtout lors des passages les plus explosifs, tandis que les plus doux amènent à faire penser à un postrock doux, presque timide.
Une nouvelle version de "Comme un arrière goût de Cendre", différente au niveau de la production, est offerte sur Modus Operandi. Plus claire, elle est en sort cependant plus faible. Certes la qualité est présente, mais l'impact est réduit car le morceau parait plus libre, moins à fleur de peau, étouffé dans son propre malaise. On pourra aussi reprocher un packaging trop fragile, certes à l’image de la musique, mais dont on redoute d’en sortir le disque de peur d’abîmer les paroles…
Errata s'est approché à pas feutrés, mais ressort en faisant beaucoup de bruit. Le premier jet est ainsi prometteur, mariant deux styles musicaux pour un résultat explosif. Malgré les quelques défauts (notamment pour ceux ayant pu écouter la première version de "Comme un arrière goût de Cendre"), les 36 minutes de Modus Operandi passent agréablement, entre poésie et souffrance. A écouter, perdu dans ses pensées...
A écouter : Comme Un Arrière Gout de Cendre - Nephelion