Quelle rage, quel désespoir que nous livrent ici ces inconditionnels amateurs d'Agatha Christie et autres Hitchcockien du genre. Baigné dans l'encre des maestros du thriller, on se noie trop aisément dans les tourments d'un sludge ne cherchant qu'à s'extirper de cette folie. Porté par les cris lancinants d’un Olivier Lacroix, charismatique, entre-mêlant le spoken word jusqu'à lorgner au scream.
« Une musique annonciatrice de son entrée en scène gagnait les coulisses
jusqu’à devenir parfaitement perceptible…son morceau préféré » (Sans Fleur ni Couronne)
Ce premier opus d'Erlen Meyer découle sensiblement d'une blessure non cicatrisée. La mort de leur ami, l’ex-batteur Romain Djoudi, pèse dans la souffrance des compositions inspirant ainsi Fabian Sbarro pour l'artwork de ce premier album. Les riffs poisseux et abrasifs des guitares, avec un certain côté Black Sheep Wallien, dégoulinent à flots pour façonner ce son authentique, mais la force d'Erlen Meyer ne réside pas que dans sa musique. Elle prend toute son ampleur grâce au talent d’écriture influencé par des classiques du thriller. C'est donc dans une atmosphère romanesque que le groupe rend hommage à la grande Christie avec la progressive Agatha avant d'emprunter des ostinati aiguisés et tranchants comme un scalpel parmi les hurlements et les murmures incessants du Temple du Cri. Dans ces ambiances particulièrement visqueuses et acides se déroulent les scènes des morceaux (Nuit, Bouche Cousue) qui parfois s'étirent dans une colère lente mais déterminée (Sans Fleur Ni Couronne, Bec et Ongles).
Et au cœur d’une violence fissurée naissent certaines accalmies. On arrive à percevoir, ressentir, de vaines respirations avec les cliquetis martelés des Caprices de Remington (Philo de son prénom, fabricant de machines à écrire) et encore Ex-voto. Tout n’est pas que maelström, non. Le tourbillon de colère ne surgit qu’après une fine minute de sérénité avec l'intro' Gamla Stan, brumeuse ville suédoise à la lumière déclinante et sombrant inéluctablement dans la nuit furieuse. Ces interludes instrumentaux, aux allures plutôt calmes, modélisent en fait d'une autre manière la violence qu’Erlen Meyer veut livrer, tout en empêchant à une certaine homogénéité de s'installer. Grâce à ces "pauses", les émotions sont exploitées différemment parmi le chaos cathartique des autres morceaux progressifs.
Bien nourri par les grandes influences, tant littéraires que cinématographiques, ce premier full-length reste avant tout un album éponyme où Erlen Meyer dissèque sa musique afin de mieux nous montrer quelle voie le groupe va continuer d'explorer. Marquée par la force de leur musique et la finesse des textes, l’œuvre pénètre nos tympans pour n'en laisser qu’éclats et fracas.
A écouter : Nuit, Agatha, Sans Fleur ni Couronne, Bec et Ongles