Mesdemoiselles, mesdames et messieurs… Attention ! Car voici de retour la bande de déjantés qui s’est fait remarquer avec ses pitreries musicales du côté de Brest, là, tout au bout à gauche de la France. Rappelez vous que sous l’impulsion de Bran, Métalorgie s’était penché sur leur cas à l’époque de leur première démo ; aujourd’hui, Enhuma sort La Tête Dans La Chèvre son premier album autoproduit, de bien belle manière s’il en est.
Première impression, l’instrumentation variée (sax, flûte traversière…) et une solide panoplie de samples qui posent des ambiances épaisses, nous font véritablement zigzaguer dans l’univers bancal du groupe en s’entremêlant avec les autres instruments de base. La guitare est libre ("The Last Cartoon"), sait se faire barrée comme chez Primus ("Landscape") afin d’accentuer l’effet singulier diffusé par le groupe ; Ben alterne avec réussite différents styles de plans (métal, funky…), ou d’outil de travail avec l’incursion, par exemple, de mélodies acoustiques sur #.
Autrement, parsemé donc de montées de cuivre ("Stridulation gourmande à cœur ouvert") et d’illustrations à vent ("Allen") le nouvel album d’Enhuma ressort vraiment plus riche. On retrouve donc toujours ces multiples ambiances ("Paul"), mais de manière bien mieux diluées, si bien qu’on ne trouve vraiment pas le temps de s’ennuyer. L’ambiance mystique ou d’expérience jazzy/contemporaine ("##") se confronte à un lâchage total sur "White Cowboy", avant un intéressant final, à l’envers ("Luap Nella"). Enfin, signe des temps peut-être, une plus grande liberté d’expression est donnée au clavier ce qui permet également de renforcer l’univers bancal du groupe en lui laissant plus d’importance ("Allen"). Et si côté chant, la sphère pattonienne inspire toujours Def, on retrouve aussi cette jolie intonation de voix involontairement Incubus ("Trickery") ainsi que des passages nettement plus virils faisant état d’un bel étalage vocal.
En tout cas, et c’est un point très positif dans ce style de musique, Enhuma reste plus facile d’accès que certains de ses collègues tout autant versatiles (Psykup, Tayobo), car le groupe, à l’écoute de La Tête Dans La Chèvre semble préférer varier les styles chanson par chanson plutôt que de les enchaîner sur une seule composition ; l’écoute est ainsi plus digeste.
A ce propos, le son général est meilleur que sur la démo, avec un bon équilibre entre toutes les composantes et les idées farfelues du groupe ; peut-être d’avantage de punch au mixage serait appréciable dans les parties saturées des guitares mais nous pinaillons.
Un petit bémol tout de même, on peut trouver l’album un peu long, surtout avec une telle profusion d’idées ; peut-être aurait-il été mieux de le soulager de quelques compos, de celles croisées sur la démo ("Figurine Burlesque", "Vésanie" (ex "Dark Song")) car même si elles ont été réenregistrées, elles sont un ton légèrement en dessous que le nouveau matériel, mais pour ceux qui ne connaissent pas le groupe c’est encore bon à prendre !
Voici donc un bon premier album que l’on espère être une graine fertile pour la culture de quelques suites.
A écouter : Paul - Trickery - Landscape