Etemen Ænka. Un nom d'album encore plus énigmatique que celui de son auteur, la formation britannique Dvne. Quant à l'artwork, il renforce encore les doutes : ange stoner ou démon momifié, oscillant entre vie et mort, une quasi-symétrie hypnotique qui happe, qui rend curieux. Car c'est bien le but de toutes ces énigmes : pousser à se demander ce qui se dissimule sous ces noms et ce visuel tous plus hors du réel les uns que les autres.
Il s'y cache...
...avant tout une sorte de Post-Metal qui conjugue habilement Sludge et structures progressives, qui habille son épaisseur avec des passages éthérés, qui révèle ses contours poisseux dans ses moments d'inattention mais qui sait le plus souvent se montrer subtil. Monolithique mais en lévitation constante, Etemen Ænka allie la poésie à la lourdeur, le volupté au riff XXL brise-nuque (la toute fin de Court Of The Matriarch, nom d'un chien).
Il s'y cache...
...disons, des paradoxes. Des concepts fluides, des éléments qu'on attend à un endroit et qui apparaissent à d'autres. Des claviers et des samples électroniques qui aèrent un Sludge à la densité indéniable. Une production propre et claire là où on supposerait plus de crasse, de distorsion, de sueur et de fuzz. Des titres qui passent vite, trop vite, mais dont les structures prennent pourtant le temps de fleurir lentement. Trois vocalistes, dont deux sont les guitaristes du groupe, présents autant en chants clairs qu'en screams, ainsi qu'une invitée ; qui à eux trois offrent des situations de dualité constante.
Il s'y cache...
...un ensemble aussi réussi que son apparence semblait cryptique. Le résultat est tout simplement immédiatement addictif. La majorité des titres sont relativement longs et parfois complexes, et pourtant on se les approprie très vite. L'album sait se construire de façon équilibrée, son rythme ne perdra personne, et il plaira autant aux fans de Metal Prog, de Post, de Heavy-Doom, ou de Rock Psyché.
Il s'y cache...
...aussi des choses qui restent cachées. Si l'album se laisse rapidement apprécier, ne croyez pas qu'il se laisse facilement dompter pour autant. Avec ses parties chantées en des langues incognoscibles ("yumathir assidēre limina anubi" dans Omega Severer, "ezos eyota valere ezos" dans Court Of The Matriarch...), avec ses titres énigmatiques (Enûma Eliš, Sì-XIV, Adræden, Mleccha...), et avec ses paroles occultes entrecroisant plusieurs mythologies, Etemen Ænka ne se laisse absolument pas faire. Son interprétation exhaustive semble hors de portée, et la compréhension inéluctablement partielle de l'œuvre contribue à l'envie d'y revenir.
Dvne propose avec cet opus une suite logique à leur début de carrière, mais qui élève le groupe a un stade supérieur de mysticisme, de réussite dans leur enchevêtrement des genres. Clairement, un indispensable de la première moitié de cette année.
A écouter : Court Of The Matriarch, Omega Severer, Si-XIV