Dream Theater

Metal progressif

États-Unis

Parasomnia

2025
Type : Album (LP)
Labels : Inside Out Music
Produit par : John Petrucci
Tracklist
  1. In The Arms Of Morpheus
  2. Night Terror
  3. A Broken Man
  4. Dead Asleep
  5. Midnight Messiah
  6. Are We Dreaming?
  7. Bend The Clock
  8. The Shadow Man Incident

Chronique

par Zbrlah

Avant la sortie de Parasomnia, j'étais convaincu qu'il serait le dernier des albums de Dream Theater à être intéressant. Depuis trop longtemps, les boss du metal progressif sont en pilotage automatique, avec des albums "pas mal, mais..." et seul le retour en grande pompe du médiatique et charismatique batteur à la barbe bleue allait éveiller une curiosité pour Parasomnia. "Night Terror", le premier single, m'avait conforté dans cette théorie : du DT convenu qui sonnait comme n'importe quel random morceau de l'ère Mangini, mais dans lequel chaque moment du jeu de batterie criait "hey regardez je suis Mike Portnoy, je suis de retour et je veux le prouver alors je vais en faire des caisses !".


Comme je me trompais !


Si on peut critiquer l'étrange choix d'avoir choisi ce titre en guise de premier extrait, il aura au moins le mérite d'avoir maintenu un certain suspense et d'avoir créé la surprise. "Night Terror" est en effet le titre le moins captivant de l'album (même si, mis en contexte avec son intro "In The Arms Of Morpheus", il semble déjà plus pertinent). "A Broken Man", le second single, s'était avéré plus intéressant, grâce à un passage très groovy notamment. C'est ce titre qui semble central dans la structure de Parasomnia. La mélodie chantée par James LaBrie dans le refrain (les phrases "what of the dreams? a haunted curse / toxic and bleak, I'm getting worse") est récupérée partout, dans "In The Arms Of Morpheus", dans l'ouverture et la conclusion de "Dead Asleep", à la toute fin du pavé "The Shadow Man Incident"... Le thème musical est suffisamment facile à repérer pour qu'on s'ancre facilement dans l'album en ayant la satisfaction de comprendre où le groupe nous emmène.


On salue le retour de la 8-cordes, utilisée pour la première fois dans la livraison précédente. John Petrucci a entre-temps assimilé la façon dont s'utilise l'outil et ne cherche plus faire une salade de riffs dans les graves, et se sert de l'instrument exactement comme on aime : en lâchant des immenses accords super massifs. D'ailleurs, tout l'album est globalement assez bourrin (pour du DT, entendons-nous bien). Pas au point de Train Of Thought, mais l'album n'a pas de temps mort, aucun ventre mou dans le rythme proposé. Même l'écueil de la balade est évité, avec un "Bend The Clock" qui pourrait être assez chiant dans une réalité alternative mais qui évolue rapidement vers un mid-tempo plutôt réussi. Aucune pause non plus au sein des vingt minutes du titre final : le groupe a déjà essayé de reproduire la "recette Octavarium" (une plage ambiante de plusieurs minutes au milieu d'un titre très long), comme dans "Illumination Theory" ou le plus récent "A View From The Top Of The World", mais sans succès. Ici on change son fusil d'épaule et chaque moment de "The Shadow Man Incident" est intense et appréciable.


Et ce fameux retour de Portnoy, alors ? Facile : c'est impossible à manquer. S'il y a bien un membre qu'on entend, c'est lui. Si on fait un tant soit peu gaffe à la batterie, on s'aperçoit vite qu'il en met partout et tout le temps. Changement de rythme alors que le phrasé des guitares ne change pas, breaks et roulements sans fin, descentes de toms aigus poussées à l'avant du mix, transitions over-the-top, tout est dans la lignée de ce qu'on avait pu constater sur "Night Terror" : Papa Portnoy fait savoir qu'il est rentré au bercail.

Est-ce un problème pour autant ? Non. On aurait pu penser que si, lors de la découverte des singles ; mais les pistes marchent vraiment mieux en contexte au sein de la galette plutôt qu'en singles, et l'ensemble tend à faire oublier ce détail. Ou plutôt, à la place de l'oublier, on l'accepte, on se l'approprie. Ça rappelle les vieux albums, tout simplement, et c'est finalement à classer parmi les bons points.


Mais Parasomnia a aussi une faiblesse : ses textes. La thématique est un peu "facile", trop universelle, pas engagée, et surtout elle est traitée de façon évidente, très terre-à-terre. Rien que dans les titres des morceaux on trouve les mots Morphée, nuit, endormi, minuit, rêve... c'est tellement clair qu'on dirait une partie de Code Names à ce stade. Toujours à propos des paroles, on remarque en haussant le sourcil que "Dead Asleep" évoque un féminicide et dédouane le protagoniste ("how can he be to blame ? he was never awake"), et se termine même par la phrase "in the eyes of the law you are free, you are innocent". Alooooors ouiiiii mais c'est parce qu'il dormaaaaiiiit, tu compreeennnds, il pouvait pas savoooiiiiir, et puis en plus c'est juste une fictioooonnnn... Mouais. Vraiment pas très jojo, tout ça. C'est pas le wokisme qui les étouffe, niveau lyrics.

Pour autant, même si les textes ne volent pas haut, on note que le chant marche super bien. LaBrie a toujours eu ses opposant.e.s et on le sait. Mais sur Parasomnia, il choisit de mettre l'accent sur ce qu'il sait faire le mieux (de jolies mélodies dans un registre medium, ou des moments un peu plus heavy avec un chant plus appuyé) et réduit la part des envolées aigües qu'on devine être au mieux hasardeuses et au pire douloureuses (pour lui et pour nous) lorsqu'elles seront transposées sur scène.


Au final, Parasomnia est une jolie surprise. Pas un album parfait, loin s'en faut, car on ressent encore le "mode autopilote" et l'auto-plagiat peu inspiré dans la structure des certains titres ("Night Terror") ou dans certains choix de production (surtout la tonalité des guitares). Malgré ses défauts, ce seizième album sait aussi initier un retournement vers les vieux classiques de Dream Theater. D'ailleurs on remarquera quelques clins d'œil au passé, notamment à "False Awakening Suite" (dans la partie très rythmique, quasiment martiale, au début de "The Shadow Man Incident") mais surtout dans "Midnight Messiah" dont les paroles *et* la musique regorgent de nombreux hommages ("Strange Deja-Vu", "Home", "This Dying Soul", "Constant Motion" pour les textes, et "Repentence", "The Root Of All Evil" ou "As I Am" pour la vibe de certains riffs). On se situe pour le moment à mi-chemin entre ces deux constats, entre la zone de confort et le retour aux sources. C'est donc encourageant pour la suite. Après tout, ça growle dans les derniers Leprous et Opeth, Wintersun sort des trucs, et... Portnoy est dans DT. Qui sait, peut-être qu'on repart comme en 2009 ?

16

A écouter : Midnight Messiah, The Shadow Man Incident

Les critiques des lecteurs

Moyenne 8
Avis 1