Mystérieux duo parisien sorti de terre en 2013, Dragunov s’est depuis équipé d’un EP et d’un album, Korolev, passés relativement sous les radars. Peut-être que l’imagerie très inspirée de la Russie soviétique ou l’extrême sobriété de la promotion n’ont pas suffisamment attiré les oreilles curieuses, néanmoins la guitare de Seb (Abysse) et la batterie de Tristan ont des choses à nous raconter. Une histoire en effet imprégnée du passé militaro-industriel russe, où l’excellence architecturale côtoie la rouille et les sombres marques d’une époque complexe et révolue.
Korolev posait les premières pierres d’un Post Metal instrumental, profond et glacé, qui se démarquait par une six cordes trempée dans l’acier indus, capable toutefois d’administrer de la mélodie caverneuse. Arkhipov déroule et développe ce tortueux récit à travers une thématique plus sous-marine, à dominante nécessairement claustrophobe, à l’Horizontal, baladé par les remous de la mer du Nord, ou cerné par les torpilles ennemies de Keldysh, détournées grâce aux leurres guitaristiques et au souffle de frappes chirurgicales. La pression s’accentue et conditionne nos carcasses prisonnières des fonds marins, à la surface la tempête fait rage mais finit par laisser une fenêtre d’émergence au froid sibérien qui envahit l’atmosphère éternellement pesante (Ledokol Somov). Le monstre de métal poursuit sa progression aux confins du Doom/Sludge, transperçant les mers jusqu’à la mort s’il le faut, dans l’espoir de « sauver le monde » (Spas Mir). Le bout du voyage s’annonce alors, le rouge grignote les eaux et finit victorieux, les guitares se fondent dans le décor d’une guerre sans fin, entremêlées avec les pas lourds et mesurés d’une mécanique de pointe.
Dragunov a su optimiser ce qui était entamé avec Korolev, gain de puissance et gros taf sur les ambiances à la clé. La guitare amène la juste dose de notes maladives qui soulignent une angoisse permanente, tandis que la batterie s’étoffe par une imposante présence et une double pédale opportunément distribuée. Arkhipov est un huis clos instrumental parcouru de spectres noyés sous les désillusions. Étouffant et captivant.
A écouter : horizontalement.