Suède, 2005. Logiquement et rien qu’avec ces informations ,on s’attendrait plutôt à tomber sur un de ces groupes de Death Metal mélodique de Göteborg comme ce pays c’est si bien le faire. Mais non, on troque les riffs ciselés et métalliques propices à cette scène si connue de l’époque avec Dozer pour partir plutôt du côté du groove et des déserts de l’Arizona. Étonnant et pourtant, Dozer fait parti de ces groupes à avoir pris le pas avec talent sur l’héritage de Kyuss dès 1995 et ce, même si le groupe a toujours gardé cette part d’outsider du genre, car très peu présent sur la scène internationale.
Dozer est discret, trop discret. Il ne fait pas parti de ces tournées qui ont remis le genre au goût du jour. Ils ne sont pas signés chez Napalm Records ou Century Media Records, ils ne sont pas les nouveaux Red Fang, ils ne jouent pas dans les rendez-vous annuels de type Desertfest. On ne les voit pas et on les a presque oubliés. Sauf qu’ils étaient là avant pas mal de monde, sortant au débuts des années 2000 disques après disques, asseyant leur Stoner Rock / Metal de qualité. Mais celles et ceux qui les écoutaient à l’époque n’ont pas oublié : Dozer reste un nom très important de la scène Stoner, bien avant que celle-ci ne revienne à la mode avec de plus en plus de formations Heavy / Doom / Psyché et toutes sortes de déclinaisons. Quand arrive Through The Eyes Of Heathens, les suédois, qui ne le savent pas encore, sortent peut-être l’œuvre la plus aboutie de leur - trop courte - discographie. C’est simple, dans cet album, tout transpire à grosses gouttes le sable chaud, les capots de bagnoles brûlants et ce fumet piquant le gasoil. Comme beaucoup d’album de Stoner me dira-t-on. Soit, mais Dozer c’est vraiment ça, ce Rock 'n Roll de routier, le truc pour avaler les bornes en side-car avec les cactus qui défilent au bord de la route. C’est le bon Stoner. Le mauvais Stoner, bon il voit un truc, il riff, mais c’est du mauvais Stoner, alors que le bon Stoner…
Plus sérieusement Through The Eyes Of Heathens est une compilation de morceaux ultra accrocheurs, d’enchaînement de titres tous plus efficaces les uns que les autres. Vraiment, Dozer à ce sens du riff gras, huileux, qui te colle à la peau. Comme souvent ça ne réinvente rien, mais qu’est-que ça groove. L’essence du Rock'n Roll donc, toute la différence qui va se faire avec certains groupes de Rock qui sonnent comme des trucs plats et mous du genoux. On appréciera la lourdeur de la basse de Johan tout comme les rythmiques lancées à pleine vitesse de Daniel. En bref, c’est super en place, et ça n’empêche pas le groupe de jouer titres plus mesurés dans le tempo (Days Of Future Past) mais néanmoins très énergique. Autre point fort de la formation suédoise, c’est son chanteur, Frederik, avec une très belle voix, capable de monter dans les aiguës de manière plus confortable que ses homologues, un peu à la croisée d’un Josh Homme (Queens Of The Stone Age) ou de Stephen Brodsky (Cave In), d’ailleurs difficile de ne pas penser à Kyuss et Queens Of The Stone Age avec le morceau Omega Glory. Un des meilleurs titres de l’album c’est The Roof, The River, The Revolver, avec sa guitare imparable, ses roulements de batterie comme une chevauchée et en apothéose, le chant / refrain en delay de Frederik, totalement infaillible. On pourrait également citer l’ouverture du disque sur Drawing Dead, qui ne rougirait pas à figurer parmi les meilleurs morceaux de Karma To Burn. En fait, si tu n’accroches pas dès les vingt premières secondes d’écoute, ce n’est clairement pas fait pour toi. Les refrains de Born A Legend ou Man Of Fire, crois moi, il vont te rester en tête longtemps, et on appréciera de la voix vener de Troy Sanders (Mastodon) sur Until Man Exists No More, sans doute le titre le plus sombre et lourd du disque.
Quitte à faire très simple, Dozer c’est du tout bon. Through The Eyes Of Heathens est un album dans lequel il n’y a rien à jeter, c’est aussi simple que ça. Deux anecdotes pour finir. Truckfighters, autre groupe de Stoner suédois, a sorti son premier et malheureusement sans doute son unique excellent album nommé Gravity X en 2005. Coïncidence ? Et enfin Dozer a enregistré cet album dans une ancienne forteresse de l’armée soviétique en Finlande. Comment fait-on pour sortir un album aussi aride et chaleureux dans un endroit qui évoque la guerre froide ? Vous avez quatre heures.